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CHANGER DE LOGICIEL COMPTABLE

Pour adopter une nouvelle solution comptable, le Daf doit se transformer en chef de projet afin de fixer le rétroplanning idéal, constituer un cahier des charges efficace, arbitrer entre les différentes solutions du marché et réussir son implantation.

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@ © T. L. Furrer - Fotolia.com

Décision lourde de conséquences pour le quotidien de l'entreprise, le renouvellement du logiciel comptable constitue un vrai challenge. « Le changement d'habitudes de travail va générer, ne serait-ce que sur une courte période, des pertes de compétences «outil», de connaissance de l'environnement de travail et donc de productivité », indique Christine Buisson, responsable de l'offre Finance de Cegid.

Les motivations pour changer de logiciel ne manquent pas. En premier lieu, elles peuvent être endogènes à l'entreprise. Dans le cas d'une société qui grossit, ce peut être la nécessité de se doter d'un logiciel plus performant. Une entreprise peut à l'inverse avoir besoin de réduire la voilure et donc d'opter pour une solution moins coûteuse. Autre motif de changement: il manque à la société des éléments d'analyse, pour développer sa gestion prévisionnelle par exemple. « Le Daf a un rôle de pilote dans l'entreprise, rappelle Jean-Pierre Joksimovic, chef de marché Sage 1000 FRP. Les exigences en termes de reporting s'accentuent. Il doit pouvoir obtenir des états de restitution rapides et complets car, face à une conjoncture incertaine et concurrentielle, le Daf doit pouvoir arbitrer ses décisions rapidement sur la base d'informations de qualité. » Dans des grosses PME, changer de logiciel va ainsi permettre d'aller vers une intégration plus poussée de l'ensemble du système d'information de l'entreprise. Une restructuration peut aussi occasionner le changement de logiciel en vue d'adopter un système commun à toutes les sociétés. Des raisons exogènes peuvent également conduire le Daf à ce projet. L'évolution des systèmes d'exploitation va inciter le dirigeant à opter pour une solution lui apportant un meilleur confort de travail. « Cet événement n'est pas fréquent dans la vie de l'entreprise. Au contraire, celle-ci a tendance à utiliser le logiciel au maximum de ses possibilités et à le conserver pendant environ dix ans », constate Christine Buisson. Reste qu'avec l'accélération du progrès technologique, la donne pourrait s'inverser. Le développement des solutions en cloud computing, plus légères car l'entreprise n'a pas à investir dans du matériel informatique, pourrait faciliter ces changements. Et l'émergence de la génération Y, habituée à l'accès immédiat au confort d'usage des nouvelles technologies, ne devrait qu'accélérer ce processus. « La fidélisation des clients va constituer un challenge de plus en plus pointu pour l'éditeur et les services autour du logiciel seront clés dans ce processus », conclut Christine Buisson.

QUELLE SOLUTION POUR QUELS BESOINS?

Une fois la décision prise, le Daf doit mettre en place un rétroplanning précis, qui peut se déployer sur plus d'une année. Première étape: définir les attentes de l'entreprise face à son futur système d'information. Outre les contraintes de taille et d'organisation, le Daf doit recenser les besoins fonctionnels de la société: quelles sont les informations dont l'entreprise dispose aujourd'hui? Quelles sont les données manquantes ou difficiles à obtenir? Une analyse à mener à court terme comme à moyen terme, en y intégrant les orientations stratégiques de l'entreprise pour les années à venir. L'entreprise peut aussi s'ouvrir à de nouvelles fonctions qu'elle n'utilisait pas jusqu'à présent. « Changer de logiciel peut permettre de rationaliser la chaîne de traitement de tâches à faible valeur ajoutée. Par exemple, la validation et la saisie comptable des notes de frais sont typiquement des activités qui gagnent à être automatisées », explique Jean-Pierre Joksimovic (Sage). La question de la mobilité doit également être envisagée. La comptabilité doit-elle être accessible à distance afin que dg, Daf, directeur stratégie en déplacement puissent consulter les informations financières?

CHOISIR LE BON SUPPORT TECHNOLOGIQUE

Seconde étape: le décideur doit choisir le bon support technologique et arbitrer entre une solution technique classique, un logiciel ou une solution SaaS (un logiciel en tant que service). Dans ce dernier cas, les données ne sont pas stockées dans l'entreprise mais chez un tiers hébergeur, le clouder. « Ces solutions en mode cloud computing sont en cours de démocratisation », souligne Jérémy Grégoire, responsable des nouveaux partenaires pour l'éditeur de logiciels Divalto idylis. La solution en mode SaaS présente l'avantage d'externaliser les contraintes: l'entreprise ne gère ni ses serveurs, ni ses sauvegardes, et encore moins ses mises à jour. Elle offre une plus grande souplesse, par exemple en cas d'augmentation ou de diminution du nombre d'utilisateurs. Cette solution s'avère également moins onéreuse que l'achat classique d'un logiciel en licence assorti d'un contrat de maintenance. « Reste que le SaaS est encore très minoritaire. Sur mes 200 clients historiques, seuls trois ont opté pour cette solution », modère Viviane Langou, consultante chez CITI Informatique, solutions et informatique de gestion.

Une fois les besoins recensés, le Daf pourra établir son cahier des charges. Les utilisateurs concernés par le nouveau logiciel (responsables financiers, responsables RH, responsables informatiques) doivent tous être associés au projet. Leurs regards complémentaires sur le produit vont s'avérer précieux. Le changement de logiciel doit, en effet, être traité comme un projet d'entreprise plutôt qu'un projet de spécialistes, chacun ayant ses exigences. Ainsi, là où le comptable axera sa réflexion sur la seule optimisation du traitement comptable, le dirigeant s'attachera davantage aux outils analytiques, suivi du stock, du temps de travail, etc. L'expert-comptable participe souvent au choix du logiciel. « Il est partie prenante du projet d'implantation », commente Cyril Mallet, directeur produit pour l'éditeur Divalto idylis. Une fois le cahier des charges rédigé, reste à sélectionner les éditeurs qui adresseront leurs propositions commerciales à l'équipe. Quels sont les critères à adopter pour faire le tri entre ces différentes propositions souvent appuyées par des démonstrations in situ? Pour Viviane Langou, qui opère en tant intégrateur et travaille avec plusieurs éditeurs, notamment Sage ou Divalto idylis, le responsable de projet doit s'appuyer sur plusieurs critères pour faire son choix. « Je citerais l'adéquation aux besoins de l'entreprise et ses capacités d'intégration de l'outil, le coût et la notoriété de l'éditeur, car l'entreprise doit s'assurer d'acheter une solution pérenne », précise Viviane Langou. La question de la sécurité s'avère récurrente notamment pour s'assurer que les logiciels en mode cloud computing offrent le même niveau de sécurité que les logiciels classiques. « Le Daf doit étudier toute la chaîne de valeur et ne pas s'attacher au seul produit », préconise Jean-Pierre Joksimovic. Aide au déploiement, formation des équipes, SAV doivent ainsi être jaugés. Bien entendu au moment d'arbitrer entre les différentes propositions commerciales, le Daf s'attardera sur le prix de chaque solution envisagée. Il devra arbitrer entre plusieurs modèles économiques qui coexistent: paiement à la consommation, achat de licence, loyers ou encore règlement d'un droit d'entrée. Pour Jean-Pierre Joksimovic, « le Daf ne doit pas oublier de s'assurer qu'à prix égal, le projet lui offre bien un environnement équivalent ».

FREDERIC MEUNIER, expert-comptable et associé du cabinet Primexis

FREDERIC MEUNIER, expert-comptable et associé du cabinet Primexis

AVIS D'EXPERT

Le Daf doit se positionner en animateur


Comment l'expert-comptable intervient-il dans le changement de logiciel comptable de l'entreprise?
Il intervient de plusieurs façons. En amont tout d'abord, en préconisant le changement, car il trouve l'outil actuel de l'entreprise peu adapté en termes de fonctionnalité, de volumétrie ou encore du fait d'une insuffisante intégration à l'ensemble des systèmes d'informations. Dans ce cas, nous alertons l'entreprise et préconisons une solution chez un éditeur que nous connaissons bien. Certains clients peuvent avoir déjà pris la décision de changer de logiciel. Nous venons alors en appui pour aider le Daf dans la rédaction du cahier des charges et conforter l'équipe dirigeante dans son choix.


Quels sont vos conseils pour mener à bien le projet?
Quelles que soient ses affinités personnelles avec la comptabilité, l'informatique ou les systèmes d'information, il ne doit pas se contenter de déléguer. Il doit garder la maîtrise de la relation avec l'expert-comptable et l'éditeur et celle du planning de l'implantation. En bref, il lui revient d'animer ce projet très impactant pour l'organisation future de l'entreprise.


Quelle est la principale difficulté que vous identifiez?
J'évoquerais, et c'est un point auquel l'équipe dirigeante n'est souvent pas assez attentive à mon sens, la difficulté de mesurer le retour sur investissement. On identifie assez facilement un certain nombre de coûts cachés d'une implantation, mais les gains s'avèrent moins aisés à mesurer. S'il est facile d'évaluer l'accroissement de la productivité, ce n'est pas forcément simple pour ce qui concerne le confort de travail ou la fiabilité des informations, par exemple.

JEAN-PIERRE JOKSIMOVIC, CHEF DE MARCHE CHEZ SAGE

« Le Daf doit étudier toute la chaîne de valeur et ne pas s'attacher au seul produit. »

LA FORMATION, CLE D'UNE IMPLANTATION REUSSIE

Commence alors la phase d'implantation. L'éditeur ou l'intégrateur paramètre l'outil en fonction des besoins de l'entreprise, l'implante, forme les équipes et suit les changements de versions éventuelles. « La formation s'avère capitale: on peut avoir le meilleur logiciel au monde, mais n'utiliser que 5 % des fonctionnalités si on n'y est pas correctement formé », prévient Jérémy Grégoire. S'il revient au prestataire de former les équipes au maniement du nouveau logiciel, il appartient en revanche au Daf de sélectionner soigneusement les salariés qui devront être formés. De même, le contenu de cette formation devra être méticuleusement revu afin de vérifier qu'il est adapté à la mission du salarié. « Il est aussi possible de former des key users à l'ensemble des fonctionnalités, ajoute Jean-Pierre Joksimovic. Ils se chargeront ensuite de former les autres collaborateurs. » Rassurer le client, répondre aux questions techniques de salariés et aux interrogations fonctionnelles des équipes dirigeantes, le rôle du SAV est également primordial. Enfin, des mises à jour régulières seront assurées. « La très grande majorité des éditeurs est dotée d'une cellule technique qui assure une veille afin d'anticiper les changements de réglementation et s'y adapter en amont », note Jean-Pierre Joksimovic. Pour éviter tout dysfonctionnement au sein de l'entreprise...

OLIVIER AVRIL, Daf à temps partagé et gérant associé d'Acting Finances

OLIVIER AVRIL, Daf à temps partagé et gérant associé d'Acting Finances

TEMOIGNAGE

« Mieux vaut faire coïncider le changement de logiciel avec le début d'un nouvel exercice »


Olivier Avril, Daf à temps partagé depuis six ans a, au cours de sa vie professionnelle, géré plusieurs changements de logiciels comptables aussi bien pour des grandes entreprises que pour des PME. Ce qu'il en retient? « Mieux vaut faire coïncider le changement de logiciel avec le début d'un nouvel exercice, afin de ne pas être à cheval sur deux systèmes, ce qui obligerait à de nombreux ajustements laborieux », conseil le-t-il.
Par ailleurs, dans le rétroplanning à mettre en place préalablement à un changement de logiciel comptable, il recommande de compter large. « Je prévois généralement un délai qui varie entre 3 et 18 mois, en fonction de la taille de l'entreprise et des liens à effectuer avec les autres logiciels métiers », préconise Olivier Avril.
Une fois les besoins de l'entreprise identifiés et le cahier des charges rédigé, une recommandation d'un confrère, un collaborateur qui connaît bien un logiciel peuvent orienter la sélection. « Mais on ne peut faire l'économie d'une recherche plus poussée du marché des éditeurs en consultant des revues professionnelles ou des bases de données, CXP restant la plus classique », poursuit le Daf. Quels enseignements tire-t-il de ses expériences? « Il faut se garder de réserver le suivi d'un tel projet à des seuls spécialistes ; l'équipe dirigeante doit également s'en emparer. »
Le professionnel pointe enfin un écueil qui guette bien des petites entreprises: « La sous-utilisation du logiciel comptable qui n'est pas suffisamment perçu comme un outil de pilotage et de gestion de l'entreprise au quotidien. »

MANON SANDRINI

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