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BIEN EVALUER LA SOLVABILITE DE SES CLIENTS

Prévenir les retards de paiement, voire les impayés, nécessite de vérifier régulièrement la solvabilité de ses clients. Quelles informations rechercher? Où les trouver? Toutes les réponses en cinq points.

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@ © Gina Sanders - Fotolia.com

« En France, une défaillance d'entreprise sur quatre est due à des retards de règlement », rappelle Thierry Millon, responsable des études chez Altares, société spécialisée dans la connaissance interentreprise. C'est seulement par une connaissance fine de la situation de chacun de ses clients et un aménagement des conditions de règlement qu'il est possible de se prémunir contre des retards de paiement.

« Vérifier la solvabilité des clients est d'autant plus important pour les PME, car elles en comptent moins que les grandes structures, avertit Damien Barthelemy, directeur général de Creditsafe, entreprise d'information commerciale et financière sur les entreprises. En effet, quand une entreprise a dix clients, la perte de l'un d'eux la met réellement en danger. Et ce n'est pas parce qu'on a seulement dix clients qu'on les connaît bien: on ne connaît d'eux que ce qu'ils veulent bien nous dire! »

1. QUELLES INFORMATIONS VERIFIER?

Vérifier la solvabilité d'une entreprise, c'est tout d'abord s'assurer de sa bonne santé financière. On recherchera donc des données telles que le bilan, le compte de résultat, etc. qu'il convient de mettre en perspective. « Cela permet de réaliser une analyse financière. Ce qui est important, c'est de comparer les années n, n - 1 et n - 2 pour regarder l'évolution », précise Sandrine Morille, credit manager chez SGD, société spécialisée dans le flaconnage verre. Et donc de dresser le profil de l'entreprise en vérifiant l'évolution du capital de la société, afin de pister une éventuelle diminution. Il ne faut pas négliger non plus les éventuels impayés auprès du Trésor public, de la Sécurité sociale et des régimes complémentaires, ainsi que les procédures judiciaires passées ou en cours (procédure de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires).

Ces différentes informations doivent être lues en fonction du contexte de l'entreprise: « Nous positionnons les entreprises sur lesquelles nous donnons un avis par rapport à leur secteur d'activité, mais aussi par rapport au groupe auquel elles sont rattachées ainsi qu'à leur ancienneté, ajoute Damien Barthelemy (Creditsafe). Il y a en effet dix fois moins de chance qu'une entreprise défaille si elle appartient à un groupe. En revanche, les cinq premières années, le risque de défaillance est plus élevé. » La zone géographique de la société est, elle aussi, importante: la situation économique et politique du pays conditionne, en effet, la notation de solvabilité. Taux de chômage local et inflation sont évidemment des éléments à surveiller, ainsi que les décisions politiques en matière d'économie et de fiscalité (notamment sur l'évolution des réglementations lorsque le gouvernement change), la culture, les mentalités de la région. Bien sûr, les catastrophes naturelles, guerres, révolutions, attentats sont également à prendre en considération. « Mais ces seules informations factuelles ne suffisent pas, prévient Bertrand Mazuir, credit manager chez Schneider Electric et rédacteur du site www.etrepaye.fr. Il reste encore tout un ensemble d'informations plus subjectives à collecter. » Ainsi, le passé du dirigeant ou encore les «bruits» du marché sont souvent précieux.

2. OU TROUVER CES INFORMATIONS?

« Le meilleur moyen d'obtenir des informations est de rencontrer le client », note Bertrand Mazuir. En effet, celui-ci peut fournir gratuitement ses données financières (bilan, résultat...) et même donner l'autorisation de contacter sa banque ou certains de ses fournisseurs. En rencontrant son client, on peut également le questionner sur la situation de son entreprise, ses projets... Et se rendre compte s'il donne ces informations en toute transparence ou s'il essaye de dissimuler quelque chose.

Si le client refuse de fournir ces données (ce qui souvent n'est pas bon signe), ou s'il s'agit d'un prospect, on peut obtenir un bon nombre de données auprès des greffes des tribunaux de commerce (www.infogreffe.fr): Kbis, comptes annuels, endettement, procédures collectives... Il est également possible de se renseigner auprès de sa banque qui vérifiera sur les fichiers de la Banque de France si l'entreprise a connu un dépôt de bilan ou si elle a eu des impayés. Mais recueillir et traiter toutes ces données peut prendre du temps. D'autant plus qu'il sera difficile de se procurer toutes les informations nécessaires: « Seulement un million d'entreprises publient leurs comptes aux greffes, souligne Thierry Millon (Altares). Seules les sociétés commerciales sont obligées de le faire, les entreprises individuelles ne sont donc pas concernées. Et parmi celles qui doivent le faire, 15 à 20 % ne répondent pas à cette obligation. » Il ne faut pas hésiter, donc, à faire appel à des sociétés spécialisées dans le renseignement interentreprise qui proposent des bases de données complètes sur les sociétés, assorties d'un avis: Altares, Coface, mais également de nouveaux arrivants comme Creditsafe ou encore les banques (Banque Populaire propose par exemple à ses clients un outil en ligne baptisé Créance Info). D'autant plus que l'accès à ces bases de données est souvent accompagné d'un service de mise sous surveillance de ses clients: au moindre changement (négatif ou positif), on est prévenu. « Cela permet un véritable suivi au quotidien », souligne Sandrine Morille (SGD). Pour aller plus loin, il existe également des entreprises qui mènent des «enquêtes de solvabilité»: plus cher, ce service consiste en une analyse très complète portant sur le bilan et le compte de résultat, leur évolution, ainsi que les retours d'autres fournisseurs et de la banque du client.

Enfin, il ne faut pas négliger la mine d'infor mations que l'on possède en interne, notamment en termes de comportement de paiement: on sait si tel ou tel client paie toujours en temps ou en heure ou non, comment son comportement évolue grâce à un historique... et le moindre changement doit alerter! Le service commercial peut également remonter des données qu'il a vues ou entendues sur le terrain, des rumeurs qui peuvent s'avérer justes.

A NOTER
Et l'assurance-crédit?

Les assureurs crédit (Coface, Euler Hermes SFAC...), qui garantissent les entreprises contre les défauts de paiement, peuvent également être des partenaires de la prévention du risque client. En effet, ces sociétés suivent de près les clients de leurs assurés et génèrent des alertes en cas de modifications. « Il y a chez les assureurs une véritable exigence de qualité des informations données car ils sont eux-mêmes engagés », témoigne Emmanuel Lesage, Daf du groupe Atrya, spécialisé dans les solutions pour habitat (portes, fenêtres, volets, vérandas, énergies nouvelles...). Mais c'est un choix beaucoup plus onéreux, à réserver aux entreprises qui travaillent avec une multitude de clients, dont beaucoup sont à risque.

DAMIEN BARTHELEMY, DIRECTEUR GENERAL DE CREDITSAFE

«il est important de positionner les entreprises par rapport à leur secteur d'activité, à leur ancienneté...»

3. A QUELLE FREQUENCE VERIFIER LA SOLVABILITÉ DE SES CLIENTS?

Vérifier la solvabilité de ses clients doit se faire pour tout nouveau client, lorsque le moindre changement est constaté au sein d'une entreprise (retard de paiement mais aussi changement de dirigeant) ou au moins tous les ans, au moment de la publication des comptes. Suivre régulièrement l'évolution d'une entreprise permet d'anticiper et de s'assurer que son client est en bonne santé au moment où il devra payer. En quelques mois, une société jugée solide peut être amenée à déposer le bilan, surtout en période de crise. Ainsi, si l'on voit que la situation se dégrade, on peut réagir avant l'échéance: soit en contactant le client pour comprendre ce qui se passe, soit en le relançant pour s'assurer d'être payé en temps et en heure. Les mises sous surveillance proposées par certains acteurs du marché sont, de ce point de vue, très intéressantes. Même s'il est possible de mettre en place le même genre de système en interne, pour peu que l'on dispose des ressources nécessaires.

OLIVIER GENTY, Daf d'Options

OLIVIER GENTY, Daf d'Options

CAS PRATIQUE
La société options mise sur la prévention

Options, qui offre des services de mise en scène de l'art de la table et de la décoration pour tout type d'événement, compte plus de 15 000 clients. Une clientèle hétérogène composée de grandes entreprises et de TPE. En 2009, la société décide de prendre en main la prévention du risque client: après un tour de marché, elle opte pour la solution de Creditsafe qui offre l'avantage de s'intégrer à l'outil CRM de l'entreprise. Depuis, tous les 15 jours, un reporting détaillé de chacun des clients est envoyé par e-mail, ce qui permet de réagir rapidement en cas de modification. Les effets ne se sont pas fait attendre: « Nous avons amélioré nos délais de règlements moyens, qui sont passés en un an de 72 à 60 jours, rapporte Olivier Genty, Daf d'Options. Grâce à cet outil, nous anticipons mieux le risque client. Nous sommes plus vigilants et mettons tout en oeuvre pour être sûrs d'être payés. » Les conditions générales de vente de la société prévoient le versement d'acompte (50 %) et d'un chèque de garantie encaissé en cas de non-règlement du solde. Les litiges sont aussi traités plus rapidement, grâce aux études financières publiées régulièrement.

REPERES

Raison sociale: Options
Activité: Art de la table et décoration pour événements
Forme juridique: SA
Dirigeants: Jacques et Henriette Poinsot
Daf: Olivier Genty
Effectif: 500 collaborateurs
CA 2011: 50 MEuros

4. COMBIEN COUTE UNE ENQUETE DE SOLVABILITE?

Vérifier la solvabilité de ses clients prend du temps et, surtout, a un coût. Le premier conseil est de se méfier des informations que l'on trouve gratuitement sur Internet, qui sont souvent peu fiables ou en tout cas rarement mises à jour. Et pour les services payants, vu le nombre important d'acteurs qui proposent des bases de données, des mises sous surveillance ou des enquêtes de solvabilité, une étude de marché s'impose, fondée sur deux critères: son coût et surtout le niveau d'information apporté.

On peut se constituer un dossier assez complet sur une entreprise auprès d'Infogreffe pour une dizaine d'euros. L'accès à une base de données associé à la mise sous surveillance d'une centaine de sociétés coûte entre 1 500 et 3 000 euros par an, selon les acteurs. Une enquête de solvabilité réalisée sur une entreprise française revient à une centaine d'euros (entre 80 et 400 euros) et varie entre 200 et 600 euros pour une société étrangère.

5. ET ENSUITE, COMMENT TRAVAILLER AVEC DES CLIENTS A RISQUE?

Si, à travers l'enquête de solvabilité que l'on a menée, on se rend compte qu'un client ou un prospect a des difficultés, cela ne veut pas dire qu'il faut cesser tout business avec lui. « L'entreprise connaît des cycles: nous ne portons pas de jugement définitif, elle peut se redresser », insiste Olivier Robert, directeur adjoint marché des entreprises et institutionnels de Banque Populaire qui commercialise l'outil Créance Info. La bonne réaction, pour limiter ou annuler le risque, consiste en une vigilance accrue et un réaménagement des conditions de paiement: demander davantage de garanties, de verser un acompte à la commande... voire de payer à la commande si les difficultés vont en s'accroissant. « Le choix doit se faire par rapport à la connaissance que l'on a du client et au risque que l'on veut prendre », indique Sandrine Morille (SGD). En revanche, avec un client jugé solvable, on peut s'accorder plus de souplesse et augmenter ses échanges avec lui. Vérifier la solvabilité client, c'est non seulement s'assurer d'être payé, mais aussi développer son activité avec des partenaires de confiance et éloigner le risque de contentieux.»

EVE MENNESSON

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