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Daf de fonds, un job à part

Publié par Stéphanie Gallo-Triouleyre le - mis à jour à

Directeur financier pour un fonds d'investissement ou une société de gestion, nécessite des compétences propres, une vraie polyvalence et une capacité à échanger avec une multiplicité très importante d'interlocuteurs.


" Certains jours, je peux traiter 100 sujets différents dans la journée. Cela peut parfois être épuisant, mais c'est aussi ce qui fait tout le sel de mon métier ", sourit Marie-Christine Varnier, Daf depuis 2005 du family office lyonnais Evolem créé pour gérer les actifs de Bruno Rousset (et de sa famille), le fondateur du groupe April. Evolem accompagne une cinquantaine de participations majoritaires (regroupées dans 12 pôles d'activités, chacun doté d'un Daf) et d'une vingtaine de start-ups en minoritaire.

Un constat partagé par Myriam de Tournemire, CFO depuis quelques mois du fonds de capital-risque Eutopia. Celui-ci a aujourd'hui 26 sociétés en portefeuille. " Je crois que cette diversité de sujets d'intervention est probablement ce qui me plait le plus. Je peux passer du paiement d'une facture, à un échange avec l'AMF, à une recherche de partenaires pour nos participations. Tout cela en moins d'une heure. "

Il faut savoir être multicasquette

Pourquoi une telle variété de tâches, soulignée par tous comme une différence majeure avec les directeurs financiers de sociétés plus traditionnelles ? Dans un fonds d'investissement, quelle que soit sa forme, le directeur financier assume plusieurs casquettes. Ce qui le place forcément face à une multiplicité de tâches. " Chaque fonds a ses spécificités, selon son statut et ses cibles, mais globalement j'identifie quatre rôles principaux : celui, classique, de directeur financier d'une entreprise mais aussi l'administration des fonds, la valorisation des sociétés en portefeuille et parfois le rôle de support, voire de conseil aux directions financières des participations ", analyse Bruno Fadda, managing director au sein de la division executive search de Robert Half. " Cela signifie que ces directeurs financiers doivent être capables de se prévaloir d'une polyvalence de leurs compétences : aspects réglementaires, fiscalité, gestion du cash, optimisation du working capital, M&A. Il me parait incontournable d'avoir une expertise tant dans le pilotage d'un P&L et de l'Ebitda que dans la gestion d'un haut et d'un bas de bilan. "

Business partner, le Daf de fonds ?

Si l'expert en recrutement pour les fonctions financières pointe l'obligatoire polyvalence de ces professionnels, il souligne également le manque d'attrait dont peuvent souffrir certains fonds d'investissement et leur difficulté récurrente à recruter leur Daf. Et ce, malgré des rémunérations bien souvent largement plus élevées que dans des entreprises plus traditionnelles. " Lorsque l'organisation des fonds ne permet pas à leur directeur financier d'agir sur le pilotage de la performance des activités de leurs participations, il faut alors pouvoir attirer des profils motivés par d'autres centres d'intérêt que le côté business : par exemple la gestion technique spécifique des fonds ".


La Daf d'Evolem, ex-Daf d'une ONG humanitaire, Marie-Christine Varnier, n'en prend pas ombrage. " La frustration peut effectivement exister pour certains Daf de fonds uniquement axés sur la rentabilité, c'est certain. Mais chez Evolem, du fait de notre histoire, nous avons des valeurs entrepreneuriales extrêmement fortes, avec un accompagnement soutenu de nos sociétés en participations. Ce côté business partner ne me manque pas car nous travaillons dans cet état d'esprit, j'ai le sentiment d'oeuvrer pour un projet cohérent, entrepreneurial et sociétal. Pas uniquement financier. "

"La diversité des sujets d'intervention est particulièrement stimulante." Marie-Christine Varnier, Daf d'Evolem

Amaury Mamou-Mani est directeur financier et actionnaire d'Alpha Blue cean, un multifamily office développé avec deux copains d'enfances, experts du sujet. Lui non plus, ne se sent pas à côté du business. En un peu plus de trois ans, Alpha Blue Ocean est déjà intervenu dans 58 sociétés à travers le monde. " ABO propose des financements innovants aux entreprises cotées. Nous réalisons en général un versement initial puis des versements échelonnés pour favoriser une meilleure gestion des risques pour chacune des parties. Lorsque nos investissements sont actés, il faut donc un suivi hyper actif pour s'assurer que les obligations des uns et des autres sont bien respectées. " Le jeune directeur financier de 30 ans, créateur de start-up dans une autre vie, souligne également la gymnastique qu'il réalise au quotidien pour minimiser le cash : " c'est le contraire d'une entreprise traditionnelle : j'essaie de faire en sorte que le minimum d'argent dorme sur les comptes, en investissant le maximum mais en m'assurant que nous avons bien de quoi faire face à nos obligations. Les deals ont leur vie propre, les facturations sont erratiques, il est difficile d'avoir une vision à plus de quatre semaines. " Et d'insister : " Je dois donc toujours anticiper au mieux car une erreur n'a pas un impact uniquement sur ma société de gestion mais potentiellement sur les 58 entreprises en participation. Et faire ce job financier, au service des entreprises que nous accompagnons, au service de l'économie réelle, est une vraie satisfaction. "

Marie Dessaint, directrice financière d'Iris Capital (capital risque, spécialiste du numérique, 40 sociétés en participation) et forte de plusieurs expériences professionnelles en fonds comme en entreprise, met en exergue un autre point : " Il est vrai que nous n'avons pas à nous soucier de notre carnet de commandes, de vérifier nos marges etc, c'est un vrai confort par rapport à d'autres postes. Il y a peut-être moins d'adrénaline que dans une start-up mais pour autant, nous devons toujours être très réactifs, non pas pour répondre à un chef d'entreprise, comme dans une entreprise standard, mais aux 10, 20, 30, 50 dirigeants de sociétés que le fonds peut avoir en portefeuille. Lorsqu'ils sollicitent notre expertise, il faut pouvoir répondre vite et bien. "

Une image de père Fouettard plus présente qu'ailleurs

Car c'est bien là aussi toute la spécificité du Daf de fonds d'investissement, il doit composer avec une multitude de sociétés aux business, aux niveaux de structuration et aux modes de fonctionnement très différents. " Je les accompagne, mais sans m'immiscer puisque nous ne devons pas intervenir à leur place. Il faut trouver le bon équilibre ", poursuit Marie Dessaint. Sans passer pour le père Fouettard, l'investisseur toujours en quête de plus de tableaux, de plus de rentabilité, de plus de reportings. " Je joue le rôle de passerelle entre les organismes réglementaires qui nous demandent beaucoup de formalisme, de rigueur et les jeunes sociétés pas encore vraiment structurées. J'essaie de faire preuve de pédagogie et de bienveillance, afin que les collaborations soient bénéfiques pour tout le monde ", raconte Myriam de Tournemire (Eutopia).

Même état d'esprit pour la Daf d'Evolem. " C'est un vrai challenge dans ce métier de ne pas avoir l'image de l'actionnaire qui demande sans cesse des comptes. C'est pour cela que nous prenons beaucoup de précautions, en personnalisant au maximum la relation, en nous adaptant à leur business c'est-à-dire en les sollicitant moins lorsqu'ils sont en haute saison pour les activités saisonnières par exemple. Nous essayons de faire de la pédagogie, d'expliquer pourquoi nous avons besoin de telle ou telle informations, quelles sont nos propres contraintes etc. " Son objectif pour 2021 : mieux animer sa communauté de Daf pour leur permettre d'échanger et de grandir ensemble.

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