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Comment limiter le coût exorbitant de l'absentéisme au travail ?

Publié par Mallory Lalanne le | Mis à jour le

L'absentéisme a augmenté de plus de 20% en 2020. Les conséquences financières étant assez lourdes pour les directions financières, un bouleversement structurel doit être mené avec des actions fortes et concertées sur l'amélioration du bien-être au travail et l'engagement des salariés.

Ce n'est pas vraiment une surprise. La crise sanitaire a accéléré la progression de l'absentéisme observée depuis plusieurs années. Selon le baromètre réalisé par Ayming et AG2R La Mondiale*, l'absentéisme a augmenté de 24% en 2020 par rapport à 2019. Cela concerne 4 personnes sur 10. 25 jours d'absence par an et par salarié en moyenne ont ainsi été enregistrés en France soit un taux d'absentéisme de 6,87%. Au-delà de l'augmentation impressionnante liée à la pandémie de Covid-19, l'année 2020 est marquée par une forte dégradation des arrêts de 8 à 30 jours, ainsi qu'un impact plus fort de l'absentéisme sur la population des 31 - 40 ans. Finalement, ceux qui ont été absents l'ont été deux mois environ.

Cette année encore, les femmes sont davantage touchées par les arrêts de travail puisque 45% d'entre elles se sont absentées contre 37% des hommes. Les non-cadres (44%) sont plus fortement concernés que les cadres (29%) qui se déclarent néanmoins victimes d'épuisement professionnel (1 manager sur 5). " Nous constatons une dégradation constante mais lente. En un an, la situation s'est détériorée deux fois plus que les trois années passées. La crise l'a rendu plus visible ", commente Denis Blanc, directeur général d'Ayming. Toujours selon le baromètre, 20% des répondants déclarent ressentir une dégradation de leur santé physique, 35% de leur santé psychologique et 26% constatent une diminution de leur niveau d'engagement dans le travail. L'évolution du temps de travail tend à expliquer cette situation : son augmentation a renforcé la dégradation de la santé physique des salariés tandis que sa diminution a eu notamment un impact négatif sur la santé psychologique. " Selon les premiers chiffres de 2021, ça continue à s'accélérer ", ajoute Denis Blanc.

Un impact significatif sur les marges

Ce que directions financières mesurent sans doute un peu moins, c'est le coût que représente l'absentéisme. Selon l'institut Sapiens, l'absentéisme coûte près de 108 milliards d'euros par an, soit 4,7% du PIB. L'étude annuelle du courtier Gras Savoye Willis Towers Watson publiée en août 2021 estime pour sa part que le coût complet pour une entreprise de 1000 salariés avec un salaire moyen de 30 K€ par an et un taux d'absentéisme de 5%, revient entre 1,5 et 3 M€ par an et donc entre 150 et 300 K€ pour une entreprise de 100 collaborateurs avec les mêmes ratios moyens. Autant dire que quelle que soit la taille de l'entreprise l'impact coût est conséquent ! " L'impact sur la marge des entreprises est d'environ 15 à 20 %. Ça équivaut à deux ou trois années de négociations annuelles obligatoires (NAO) ", analyse Denis Blanc.

Plusieurs éléments entrent dans ce calcul. Les entreprises payent un taux de cotisation d'accident du travail (en moyenne 2%), qui varie en fonction des dépenses réelles que l'entreprise fait supporter à la sécurité sociale, de la hausse des arrêts pour accident du travail ou des maladies professionnelles. " Si le taux d'absentéisme augmente, le taux de cotisation va mécaniquement évoluer dans deux ou trois ans ", explique le directeur général d'Ayming. Tous les salaires ne sont par ailleurs pas pris en charge par la sécurité sociale, notamment les trois premiers jours de carence. Un système d'assurance prévoyance supplémentaire peut être souscrit par les sociétés. A ces coûts s'ajoutent des délais de remboursement de la sécurité sociale particulièrement longs. " Lorsqu'un salarié est absent, l'entreprise paye le salarié, puis la sécurité sociale la rembourse, souvent avec beaucoup de retard, plus de 90 jours. Les entreprises doivent non seulement faire l'avance de fonds, mais elles n'arrivent souvent pas à obtenir 100% des remboursements ", constate Denis Blanc. L'absentéisme engendre aussi des coûts indirects, plus pernicieux et beaucoup plus difficiles à chiffrer, de désorganisation de la production ou de remplacement des collaborateurs arrêtés. " Le risque ici est le désengagement des autres salariés. Plus il y a d'absences dans un département, plus l'absence augmente dans le même service. Il y a un effet boule de neige ", assure Denis Blanc.

Un management plus participatif

Comment limiter ces dépenses ? Plusieurs leviers peuvent être activés. Il convient tout d'abord de faire une analyse de la situation et de repérer quelles sont les situations les plus récurrentes. " L'absentéisme court se traite différemment de l'absentéisme long qui révèle d'autres problématiques ", rapporte Marc Veyron, Président et fondateur de MyValue, société de conseil stratégique spécialisée dans l'accompagnement des directions sur des projets de transformation et d'innovation sociale. Pour éviter les arrêts maladie de quelques jours, des solutions peuvent être trouvés autour du management et de l'accompagnement proposé aux équipes. Un management très cassant et autoritaire aura forcément plus d'impacts négatifs qu'un style plus participatif et collaboratif. " Les entreprises qui ont été à l'écoute de leurs salariés sur le télétravail en mode hybride ont réduit l'absentéisme court. C'est assez net ", confie l'expert, ancien DRH de Carrefour et de Capgemini. Dans certaines activités comme l'hôtellerie, la restauration, les services ou la grande distribution où le travail en distanciel n'est pas toujours possible, il faut travailler sur l'ambiance au travail, motiver sur des changements en cours, recueillir et écouter les avis, les suggestions des salariés pour apporter des améliorations aux conditions de travail. " Tout cela concourt à renforcer l'engagement des équipes et à accepter des fourchettes de travail assez larges ", assure Marc Veyron.

Apprendre à détecter les signaux faibles

Un travail d'anticipation doit aussi être effectué avec le management pour reconnaître et anticiper les signaux faibles et le désintérêt au travail. Cela peut se traduire par une multiplicité des signaux, à commencer par du retard dans les remboursements des frais professionnels, ce qui montre que le collaborateur est débordé ou une moindre participation dans les réunions. " Ces éléments ne sont pas toujours évidents à détecter. Il faut donc être très vigilants. L'entraide et la solidarité entre salariés peut également contribuer à diminuer l'absentéisme ", assure le fondateur du cabinet MyValue.

Réduire les missions répétitives

Pour limiter les arrêts maladie longue durée, l'amélioration des postes pour rendre le travail moins pénible est une première piste. " Les entreprises, dans la distribution notamment, doivent aussi songer à la polyvalence et à la mobilité pour réduire les gestes répétitifs et apporter plus de diversité dans les missions de leurs collaborateurs ", conseille Marc Veyron.

Le retour à l'emploi est également un sujet essentiel. " Les salariés redoutent la reprise du travail, la façon dont ils vont être jugés par leurs pairs. Il y a donc un travail à faire pour faciliter la réintégration des collaborateurs ", ajoute l'expert. Cela peut être l'occasion de proposer une mobilité interne pour que le salarié reprenne son activité avec une autre équipe, ou sur un autre site, ou d'envisager la reprise partielle, une piste encore sous exploitée par les directions. " C'est pourtant un des facteurs de réussite de la reprise " assure Marc Veyron. Cette étape se prépare toutefois et nécessite un travail avec la médecine du travail qui va recevoir le salarié, et analyser les conditions de retour à l'emploi.


*Étude quantitative de l'absentéisme en France en 2020 réalisée en partenariat avec AG2R LA MONDIALE auprès de 49 227 entreprises employant 5 008 478 salariés en CDI, du secteur privé.

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