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Quelle fiscalité en matière d'IS et de TVA pour les succursales ou établissements stables

Publié par François Vignalou, Matthieu Bultel, cabinet Bignon Lebray le - mis à jour à

Les règles de territorialité en matière d'IS et de TVA sont dans l'ensemble bien définies en cas d'exploitation d'une activité en France par une filiale d'un groupe étranger. Mais qu'en est-il en présence d'une succursale ou d'un établissement stable ?

Au plan juridique, un groupe étranger est susceptible d'exploiter une activité en France selon deux principales modalités : par l'intermédiaire d'une société ou d'une succursale. Bien que l'une et l'autre nécessitent une immatriculation auprès des autorités, il existe une différence notable entre ces deux structures tenant au fait que la première est dotée de la personnalité juridique tandis que la seconde en est dépourvue.

Cette différence n'est pas sans conséquences sur le plan fiscal.

A défaut de disposer de la personnalité juridique, les succursales disposent d'une " personnalité fiscale " : elles sont redevables de l'impôt sur les sociétés et de la TVA.

En vertu du principe de territorialité, l'impôt sur les sociétés s'applique à toutes les entreprises qui exploitent une activité en France, quelle que soit la forme juridique retenue. Cela concerne donc les sociétés immatriculées en France, mais également les sociétés étrangères qui exploitent une activité au travers d'une succursale immatriculée en France ou d'un établissement stable.

Rappelons que l'existence d'un établissement stable est caractérisée lorsque la société étrangère exploite son activité française au travers d'une installation fixe d'affaires ou par l'intermédiaire d'un représentant non indépendant.

Succursales et établissements stables sont donc tenus de comptabiliser leurs opérations, de tenir un bilan, de calculer un résultat comptable et un résultat fiscal et de déposer des liasses fiscales au même titre qu'une société française, alors même qu'elles n'ont pas la personnalité juridique.

Les succursales et établissements stables sont par ailleurs assujettis à la TVA lorsqu'ils exercent en France une activité économique à titre habituel. Ils disposent d'un numéro de TVA qui leur sont propres, sont tenus de collecter de la TVA française sur les ventes ou prestations de services qu'ils réalisent et peuvent également déduire la TVA rattachable à leurs activités.

Leur assujettissement aux impôts commerciaux n'est pas sans poser des difficultés d'application pratiques.

Les principes d'assujettissement des succursales et établissements stables à l'impôt sur les sociétés et à la TVA sont simples, mais leur application est en pratique source de nombreuses difficultés.

L'une des principales difficultés réside dans la détermination du résultat fiscal de la succursale. Il convient en effet d'opérer une ventilation des produits et des charges comptabilisés par la société étrangère, d'affecter au résultat de la succursale tous les produits générés par son activité française et les seules charges y afférentes.

Cette ventilation, qui doit aussi être effectuée pour les comptes du bilan, n'est pas toujours évidente, notamment parce que l'ensemble des actes juridiques et contrats sont établis au nom de la société étrangère qui dispose seule de la personnalité juridique.

Il est donc crucial de documenter scrupuleusement et solidement ces affectations en amont de tout contrôle afin de pouvoir les justifier auprès de l'administration fiscale française et de celle de l'Etat du siège qui, de surcroît, ne s'accordent pas toujours spontanément sur l'assiette imposable de part et d'autre. A titre d'exemple : si un siège verse des redevances à un tiers pour l'exploitation d'un brevet utilisé indifféremment par le siège et la succursale, les charges de redevances doivent être réparties entre eux en fonction de leur utilisation réelle du brevet.

A cette première difficulté s'ajoute le flou qui demeure quant au traitement fiscal des opérations réalisées entre le siège étranger et sa succursale française (transferts d'actifs, prestations de services, avances de trésorerie, remontée de cash de la succursale vers le siège, abandons de créances, etc.).

Par principe, les opérations purement internes n'ont pas d'incidence sur le résultat fiscal. Néanmoins, plusieurs décisions rendues par les tribunaux ont apporté des exceptions à ce principe, notamment concernant le traitement des créances et des flux de trésoreries entre un siège et sa succursale. Le Conseil d'Etat a ainsi considéré que l'administration fiscale était fondée à rectifier les résultats d'une succursale qui avait comptabilisé une avance sans intérêt à son siège (CE, 9 novembre 2015, n°370974, " Sté Sodirep Textiles ").

Enfin, une autre difficulté a trait à l'exercice des droits à déduction en matière de TVA. En l'absence de distinction juridique entre le siège et sa succursale, le droit à déduction de la TVA grevant des dépenses encourues par l'un ou l'autre n'est pas aisé à définir, notamment lorsqu'il s'agit de dépenses mixtes engagées par une succursale pour son siège établi dans un autre État membre de l'Union européenne.

Bien que la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne lève progressivement de nombreuses zones d'ombre concernant la fiscalité des succursales, ces difficultés, parmi d'autres, illustrent que le sujet demeure complexe et laissent penser qu'il sera encore malheureusement la source de nombreux redressements dans les années à venir.

Pour en savoir plus

François Vignalou est avocat associé du cabinet Bignon Lebray et est responsable du département droit fiscal.


Matthieu Bultel est avocat du cabinet Bignon Lebray au sein du département droit fiscal.


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