Directive ViDA : la facturation électronique entre entreprises européennes arrive en 2030
Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à
Lors de la plénière « International & Interopérabilité : ViDA », Gwenaelle Bernier, associée EY société d'avocats et présidente de l'AFNTIC est revenue sur les différents impacts prévus par la modernisation du système de TVA au niveau européen pour les entreprises françaises d'ici à 2030. Tour d'horizon des prochaines échéances européennes.
Le Conseil de l'Union européenne a donné son accord concernant la série de mesures proposée dans le cadre du projet ViDA ("VAT in the Digital Age") en mars 2025 dernier. Les principales dates clés à connaître sont les suivantes :
- Juillet 2028 : Guichet unique de TVA
- Janvier 2030 : Économie des plateformes
- Juillet 2030 : Déclarations électroniques et facturation électronique
Avec ViDA, la facture électronique va devenir la pratique par défaut à l'échelle de l'Union européenne. La taxe sur la valeur ajoutée constitue la principale source de recettes fiscales dans l'ensemble des États membres, représentant à elle seule 12 % du budget de l'Union européenne. Toutefois, le cadre réglementaire actuel en matière de TVA, devenu inadapté, ne permet plus d'assurer un contrôle fiscal réellement efficace. C'était l'objet de la plénière de la mi-journée qui s'est tenue mardi 13 mai lors de l'événement dédié à la Journée de la Facturation Electronique, au Palais Brogniard à Paris.
Les 3 piliers de la directive ViDA
Gwenaelle Bernier, avocate associée chez EY et présidente de l'AFNTIC (Association fiscalité, nouvelles technologies, informatique et communication) qui rassemble les avocats spécialistes de la fiscalité et de l'informatique a tenu à rappeler en détails les trois piliers principaux de ViDA.
Le premier, qui a fait l'objet de cette plénière, concerne le Digital Reporting Component (DRC), c'est-à-dire la mise en place d'un dispositif européen de e-reporting. Le second pilier porte sur la régulation des plateformes électroniques, et le troisième vise à simplifier les règles d'immatriculation à la TVA dans l'Union européenne.
Un format structuré pour les transactions BtoB
L'un des principes fondamentaux introduits par ViDA est la généralisation de la facture électronique au format structuré pour toutes les transactions B2B intracommunautaires, à compter du 1er juillet 2030. « Cette obligation s'imposera dans tous les États membres, bien que ces derniers conservent la liberté de fixer leurs propres règles pour les opérations domestiques. De nouvelles mentions deviendront obligatoires sur les factures, et les délais d'émission feront l'objet d'une harmonisation pour les échanges entre pays de l'UE », précise l'experte.
Par ailleurs, les déclarations d'échanges de biens et de services (type DEB en France) seront supprimées, dans un objectif de simplification. « L'octroi du droit à déduction de TVA pourra désormais être conditionné à la détention d'une facture électronique conforme, renforçant l'importance de l'alignement technique et réglementaire », souligne Gwenaelle Bernier.
Un système de transmission d'informations en temps réel entre les administrations fiscales des États membres sera mis en place. « S'il restait invisible pour les entreprises, il permettra aux autorités fiscales d'échanger des données précises sur les opérations intracommunautaires », ajoute-t-elle.
Où en sont les différents pays européens ?
Les pays de l'UE ne sont toutefois pas au même stade de maturité. Gwenaelle Bernier a détaillé le niveau de maturité de quatre groupes d'Etats distincts. Le premier regroupe les pays imposant la facturation électronique obligatoire en B2B et le e-reporting en temps réel, ligne à ligne comme l'Italie, la France, l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne, la Croatie et la Belgique. Pour les groupes opérant dans ces États, il s'agit d'un chantier de transformation global.
Deuxième groupe, les pays où seule la facturation électronique B2G est obligatoire, mais avec e-reporting en temps réel limité (Estonie, Portugal, Grèce, Danemark). Le troisième se compose des pays où la facture électronique est obligatoire en B2B et B2G, mais sans e-reporting à ce jour (Lettonie, Slovénie, Slovaquie). Un dernier groupe avec les États où la facture électronique est facultative et sans e-reporting prévu à ce stade.
La France, en intégrant ce mouvement européen, engage ses entreprises dans une transformation numérique de grande ampleur. « Le projet ViDA ne se limite pas à une mise en conformité technique, il engage une réflexion stratégique sur la gestion de la donnée fiscale, la transparence, et la modernisation des processus comptables dans un contexte de coopération accrue entre les administrations », analyse Gwenaelle Bernier.
Des échanges intracommunautaires mieux structurés
La réforme européenne ViDA, centrée sur la modernisation du système de TVA dans l'Union, s'inscrit dans une dynamique ambitieuse de transformation numérique, avec pour objectif d'harmoniser la facturation et le reporting à l'échelle communautaire. « Cette évolution progressive, mais inéluctable, présente un avantage majeur : elle permet aux entreprises européennes, jusqu'ici confrontées à des partenaires étrangers encore peu structurés, d'anticiper un environnement dans lequel l'échange de factures structurées au format XML deviendra la norme partagée », rappelle-t-elle. Ce changement promet une simplification des flux, notamment pour les transactions transfrontalières.
Pour Gwenaelle Bernier, un jalon essentiel a été franchi avec la possibilité, depuis le 14 avril 2025, pour tous les États membres - notamment ceux n'appartenant pas au « groupe A » des pays les plus avancés - « d'instaurer une obligation de facturation électronique domestique en B2B sans devoir solliciter l'autorisation préalable de la Commission européenne. Cette souplesse réglementaire ouvre la voie à un déploiement progressif, mais potentiellement hétérogène, de dispositifs nationaux ».
Des obligations effectives en juillet 2030
À compter du 1er juillet 2030, plusieurs obligations deviendront donc effectives à l'échelle de l'Union :
1/ La facture électronique au format PDF ne sera plus reconnue comme une véritable facture électronique. Seul un format structuré conforme à la norme européenne EN 16931 sera admis pour les échanges B2B intracommunautaires.
2/ L'échange de factures électroniques entre entreprises de différents États membres deviendra obligatoire, sans besoin d'acceptation préalable du destinataire, marquant une rupture avec le régime actuel.
3/ Les délais d'émission seront harmonisés : la facture devra être émise dans les dix jours suivant le fait générateur. Pour les factures périodiques, ce délai s'appliquera à compter de la fin du mois concerné.
4/ De nouvelles mentions seront exigées, telles que la mention d'opération triangulaire, la référence exacte à la facture initiale en cas de rectification, ou encore les coordonnées bancaires précises du fournisseur.
Un e-reporting sous 5 jours
Autre pan majeur de la réforme : l'instauration d'un dispositif européen de e-reporting, officiellement désigné sous l'appellation « Digital Reporting Requirements » (ou « obligations déclaratives numériques » dans la version française). Pour les livraisons et acquisitions intracommunautaires, les entreprises devront transmettre à leur administration fiscale nationale des données précises, structurées et ligne à ligne, dans un délai de cinq jours. « Ce flux d'informations, centralisé au niveau européen via la plateforme VIUS, permettra aux administrations fiscales des différents États membres de croiser automatiquement les déclarations, renforçant ainsi le contrôle et la traçabilité des opérations transfrontalières. Ce mécanisme rendra possible, à terme, une supervision quasi continue des échanges économiques au sein du marché unique », indique Gwenaelle Bernier.
Autre évolution de taille : l'exonération de TVA pour les livraisons intracommunautaires de biens sera désormais conditionnée à la bonne exécution du e-reporting correspondant. « Ainsi, une entreprise ne respectant pas cette obligation pourrait se voir refuser le bénéfice de l'exonération, ce qui marque un renforcement significatif du lien entre conformité déclarative et régime fiscal applicable », précise-t-elle.
Des normes par États membre
L'entrée en vigueur de l'ensemble de ces obligations est fixée au 1er juillet 2030, bien que certains États, comme l'Italie ou la Pologne, bénéficieront de délais supplémentaires jusqu'en 2035 en raison de leur usage actuel de normes nationales spécifiques. En parallèle, les États membres conserveront la liberté d'introduire des dispositions facultatives pour leurs opérations domestiques, telles que la définition de formats alternatifs, l'agrément de prestataires de services, ou encore l'instauration d'un e-reporting national étendu à d'autres types de flux (ventes hors UE, auto-facturation, etc.). Cette latitude pourrait générer une hétérogénéité persistante entre pays, malgré l'harmonisation recherchée. « Du point de vue des entreprises, notamment celles implantées dans plusieurs États membres, il sera essentiel de concevoir leur transformation numérique et fiscale dans une logique de long terme et d'adaptabilité. Le calendrier de déploiement progressif, combiné à la liberté laissée aux États, suppose une veille constante et une capacité à intégrer, mois après mois, de nouvelles obligations », indique-t-elle.
Pour l'experte, cette réforme consacre une évolution fondamentale : les données opérationnelles deviennent désormais des données fiscales. « Leur traitement, leur conservation et leur intégrité feront l'objet de contrôles renforcés, potentiellement automatisés via l'intelligence artificielle. La rigueur dans l'archivage, la conformité des formats et la sécurisation des échanges ne seront plus de simples bonnes pratiques, mais des impératifs réglementaires », conclut-elle.