La baisse des dépenses publiques est-elle possible en France ?
Publié par Emmanuel Millard et Sophie de Menthon le - mis à jour à
Dans cette tribune exclusive, Emmanuel Millard, expert-comptable et président de la commission Finances d'Ethic, et Sophie de Menthon, présidente du Mouvement Ethic, déplorent l'augmentation continue des dépenses publiques en France (+3,9 % en 2024). Et appellent à un véritable courage politique pour engager enfin une stratégie ambitieuse de réduction des dépenses.
Force est de constater qu'en France, les dépenses publiques ne baissent pas. Pire, elles augmentent ! Selon l'Insee, en 2024, les dépenses des administrations publiques augmentent de 3,9%, après +3,7% en 2023 et 3,9% en 2022. Cette croissance est supérieure à celle de 3,5% du PIB en valeur en 2022, dont +1,1% en volume et +2,3% de prix. L'augmentation des dépenses de fonctionnement ralentit toutefois en 2024, à +3,8% contre +6,5% en 2023, soit quand même près de 20 Mds d'Euros en plus !
Certains pays y arrivent. Prenons par exemple l'Italie, avec des recettes fiscales plus qui ont augmenté de +3,7 % en 2024 et des dépenses en baisse de 3,6 % contre +4,8 % en 2023, liée principalement à l'abandon d'un avantage fiscal très conséquent voté par le gouvernement italien précédent. Du coup, le déficit public est passé de 7,2% du produit intérieur brut en 2023 à 3,4 % en 2024, selon l'Institut italien des statistiques. Il fait dire que l'Italie était visée depuis 2023 (par une procédure européenne pour déficit excessif. L'Italie a dû prendre des mesures d'urgence pour respecter les règles budgétaires de l'UE et réduire sa dette publique.
L'Argentine aussi n'est pas en reste. Connue pour ses crises économiques et ses défaillances de paiement chroniques, l'Argentine a dégagé en 2024 un excédent budgétaire inédit, (0,3% du PIB), sans recourir à l'endettement, après 15 années de marasme économique. Tout cela ne s'est pas fait sans difficultés ni sans casse sociale. Même si les facteurs expliquant ce retournement sont nombreux, l'une des principales mesures a été la discipline budgétaire et la réduction des dépenses publiques de 30 % en termes réels, avec la consolidation des ministères et l'arrêt des projets d'infrastructures, notamment les chantiers de travaux publics qui ont été mis à l'arrêt et le licenciement de 30.000 fonctionnaires du fait de la réduction du nombre de ministères et la suppression de nombreuses agences d'Etat. Les prestations sociales et les subventions pour l'alimentation, l'énergie et les transports ont été drastiquement réduites. Les salaires dans la fonction publique ont également baissé de 16%. Le président argentin a également considérablement réduit les acquis sociaux, notamment aux plus fragiles, mais en maintenant toutefois les prestations et allocations familiales et de subsistance aux personnes sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire plus de la moitié de la population.... .
Alors, la France peut-elle ou doit-elle aussi rentrer dans un programme de réduction massif de dépenses ? Faut-il rappeler que les dépenses publiques représentent près de 58% du PIB et que nous avons le niveau de dépenses le plus élevé d'Europe et de l'OCDE... La France a malheureusement trop souvent privilégié les augmentations d'impôts et de taxes au détriment de la baisse de la dépense. Et toutes les tentatives ou politiques de réduction de la dépense publique ou de modernisation de l'Etat et de ses organismes, de la stratégie ministérielle de réforme et des audits de modernisation en 2003 à la révision générale des politiques publiques en 2007 en passant par la modernisation de l'action publique en 2012 puis la transformation publique de 2017 n'ont jamais produit de résultats probants sur les comptes publics.
Il faut passer de la volonté publique au courage politique pour s'attaquer à la dépense, avoir une vision et une stratégie ambitieuse et cohérente, comme dans les entreprises, en identifiant les politiques que l'on souhaite maintenir, privilégier, baisser ou supprimer. Arrêter d'augmenter les impôts pour courir après les dépenses. Tous les pays qui se sont attaqués à la dépense publique ont vu leurs fondamentaux économiques et budgétaires s'améliorer. Il est temps de passer de la parole aux actes avant qu'il ne soit trop tard.
Les auteurs :
Emmanuel Millard Expert-Comptable, Vice-Président Sorbonne Business School, Président Commission des Finances Ethic.
Sophie de Menthon est présidente du Mouvement Ethic.