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Faut-il associer budget et rolling forecast pour un pilotage de crise agile ?

Publié par Marion Balestic, Corinne Musseau, Nell'Armonia le - mis à jour à

Le rolling forecast est un sujet de débat au sein des directions financières depuis plus de 20 ans. Pour autant, s'il apparaît comme une alternative au budget, le rolling forecast est un outil d'élaboration budgétaire qui n'est que rarement mis en oeuvre dans les entreprises.

Dans un environnement économique mouvant, le rolling forecast permet de gagner en agilité et en réactivité, avec des prévisions plus justes intégrant les aléas de la conjoncture, les évolutions de marché, la volatilité des matières premières ou des devises, les gains ou pertes de grosses commandes..., leur impact sur le résultat et le cash de l'entreprise, et la mise en oeuvre de plan d'actions.

Pas de rolling forecast sans horizon glissant

Le fait de mettre à jour l'atterrissage de fin d'année en s'appuyant sur le réalisé et le reste à faire ne constitue pas un rolling forecast.

En traduction littérale, le rolling forecast fait référence à une prévision glissante, qui consiste à donner une vision à 4 ou 5 trimestres sur un horizon glissant.

L'observation des pratiques en entreprise fait ressortir des différences de méthodes de plusieurs ordres :

· Le scope de la prévision, qui peut concerner tout ou partie du P&L, voire le cash,

· La granularité de la prévision,

· La fréquence de mise à jour,

· L'horizon considéré dans la projection.

Indépendamment du choix de la méthode, il est important de garder à l'esprit qu'il s'agit d'une projection sur une période glissante qui ne s'arrête pas à la fin de l'exercice mais sur un horizon toujours repoussé à durée fixe (18 mois par exemple).

La vie de l'entreprise ne doit pas s'arrêter à la fin de l'exercice fiscal !

En effet, aujourd'hui la majorité des entreprises que nous accompagnons réalisent des forecasts classiques, c'est-à-dire une prévision d'atterrissage de leur exercice fiscal composée des mois de réel et de la mise à jour des prévisions budgétaires sur les mois restants. On parle alors de forecast 3+9, 6+6, 8+4 selon la décomposition du nombre de mois Réel / Prévisionnel au fur et à mesure de l'avancement de l'année. Ce forecast permet d'évaluer les résultats par rapport à un objectif annuel et répond aux besoins de la communication financière.

La suprématie du budget sur le rolling forecast

Si le rolling forecast apparaît comme une alternative au budget, il est toutefois rarement mis en oeuvre.

Actionnaires, banquiers et financiers restent très attachés au budget, lequel a ses vertus, en particulier parce qu'il permet de revoir une fois par an : l'organisation, les standards de coûts ou de production, les objectifs de ventes, d'investissement et de financement. Le budget s'inscrit dans la vision moyen terme de la stratégie de l'entreprise et fixe le cadre pour assurer la cohérence des actions dans une démarche collaborative au sein de l'entreprise.

Ainsi le budget, qui matérialise les objectifs financiers à atteindre pour l'année qui suit son élaboration, joue-t-il un rôle important dans la vie de l'entreprise : à la fois étalon de la mesure et de contrôle de la réalisation des objectifs et outil de management des collaborateurs (notamment lorsqu'il conditionne le calcul des bonus), il fait aussi office de référence dans la communication vis-à-vis de la direction et des actionnaires.

Et d'ailleurs, parce qu'il est un sujet de communication externe, le budget définit un résultat à atteindre qui correspond le plus généralement au niveau de résultat souhaité par les actionnaires, l'élaboration d'un budget conforme faisant alors l'objet d'itérations successives.

Aujourd'hui, on peut considérer le budget comme une véritable 'institution' au sein des entreprises, qui absorbe l'énergie d'un grand nombre de collaborateurs au sein des départements du contrôle de gestion. Dès lors, on rencontre parfois une forme de résistance dans la mise en oeuvre d'un rolling forecast, qui peut être vu comme un n-ième budget, susceptible de mobiliser les ressources du contrôle de gestion. L'insuffisance voire l'absence d'outillage pour le pilotage de la performance peut aussi expliquer cette réticence.

Lire aussi : Accompagner la reprise : la direction financière, moteur du changement Partie 1 Partie 2

Le rolling forecast, un outil budgétaire pour gagner en agilité

Dans le contexte économique incertain qui est le nôtre depuis le début de la crise covid-19, les critiques vis-à-vis de l'exercice budgétaire sont plus vives que jamais et poussent les entreprises à remettre en cause leurs pratiques au profit d'approches plus agiles.

Parmi ces critiques :

· Le budget est un exercice long, coûteux et chronophage, qui mobilise un nombre considérable de ressources sur plusieurs mois de l'année.

· Il est très souvent caduc au premier jour de sa validation.

Sans budget, les analyses de performance peuvent être réalisées sur la base de N-1 avec la mise en oeuvre de certaines adaptations des systèmes de gestion notamment en termes de comparabilité de périmètre afin de mieux identifier la source de création ou de destruction de valeur.

Dans un contexte agité, le rolling forecast permet de se projeter de manière permanente sur des données plus récentes, d'anticiper plus vite les plans d'actions appropriés, de mettre en oeuvre la stratégie de l'entreprise au rythme des opportunités et non dans le cadre d'un plan d'action annuel.

Mettre en oeuvre le rolling forecast

Mettre en oeuvre un rolling forecast avec succès nécessite de se poser les bonnes questions en amont, pour identifier le processus le plus adapté au regard de la nature du business et de la typologie des produits et charges qui en découlent :

- Quel scope ? P&L complet/ partiel ? Cash ?

- Quelle fréquence ?
- Quel horizon ?
- Quelle densité d'information en lien avec la fréquence ?
- Quels inducteurs appropriés au périmètre de responsabilité des opérationnels ?

La valeur ajoutée du rolling forecast sera d'autant plus forte que les équipes opérationnelles s'approprieront le modèle, qui devra aller à l'essentiel sur un petit nombre de KPIs représentatifs (par exemple : ventes prévisionnelles, charges directes, cash).

L'écueil à éviter est d'ajouter le rolling forecast comme une nième élaboration budgétaire, qui serait identifié comme les prévisions de la finance ou du groupe.

Vaste programme !

Un exercice de transition pourrait consister à maintenir le budget annuel et ajouter un rolling forecast sur les indicateurs les plus significatifs en faisant le lien avec les lignes du P&L (pipeline commercial et chiffre d'affaires DPO + DSO avec le BFR par exemple ...), et pour éviter toute lourdeur utiliser les KPIs déjà suivis par les opérationnels dans leur pilotage.

Adopter une solution de pilotage de la performance (EPM) est recommandé pour adresser simplement et efficacement ces sujets de rolling forecast. Les équipes peuvent ainsi se concentrer sur l'analyse et jouer pleinement leur rôle de business partner, sans être noyées dans la production de chiffres.

Conclusion

Aujourd'hui, la pratique du rolling forecast apparaît comme une réponse nécessaire à l'instabilité et au manque de visibilité que génèrent les crises. Elle offre de l'agilité face aux travaux budgétaires en permettant de mettre à jour régulièrement les hypothèses, en fonction des nouveaux éléments conjoncturels et structurels. Le pilotage de la performance est alors orienté vers une vision business plus réaliste.

Le rolling forecast peut être une solution pour rapprocher performance opérationnelle et résultats financiers, traduire la réalité du moment, les tendances et accélérer la prise de décision.

Pour autant, sa mise en oeuvre nécessite une réflexion approfondie sur le processus et sur l'outil, afin de ne pas en faire un exercice lourd et sans valeur ajoutée.

L'enjeu est de rester sur le bon maillage d'analyse (éviter une trop forte granularité), sur quelques inducteurs clés pour assurer l'efficience et la souplesse de l'exercice, mais également de définir les processus, les outils pour une meilleure appropriation et qualité de l'exercice.

Pour en savoir plus

Marion Balestic est directrice de projet et lead FP&A chez Nell'Armonia.


Corinne Musseau accompagne depuis 2007 les clients de Nell'Armonia dans leurs projets de transformation du pilotage de la performance, en tant que senior manager, puis désormais au poste de directrice de l'entité Conseil en systèmes de pilotage Nell'advisory.

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