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Entreprise à mission : « Les managers doivent se projeter dans le financier et l'extra-financier en même temps » - Matthieu Cathelinais, Daf de CETIH

Publié par Eve Mennesson le | Mis à jour le

Même si CETIH était engagé depuis longtemps dans une démarche RSE, le fait de devenir une entreprise à mission, il y a un peu plus de deux ans, a permis de structurer les engagements et de donner aux dimensions environnementales et sociales la même place que les éléments financiers.

Au sein de CETIH, entreprise industrielle française spécialisée dans les secteurs de l'enveloppe de l'habitat et de la rénovation énergétique, la démarche RSE était déjà ancienne et profonde quand la loi Pacte a institué le statut d'entreprise à mission. Après mûre réflexion, il a été décidé de sauter le pas, il y a un peu plus de deux ans. « Nous avons vu cela comme une façon de mieux formaliser notre démarche RSE, de jalonner et de contraindre notre fonctionnement. Nous avions déjà le label Lucie, nous réalisions notre bilan carbone, nous nous étions engagés dans une démarche ACT... Mais nous voulions aller plus loin et plus fort, notamment parce que nous réalisions une transmission et nous souhaitions que notre démarche soit bien claire » raconte Matthieu Cathelinais, le Daf de l'entre­prise. Il insiste sur le fait que devenir une entreprise à mission n'est pas un changement, mais une évolution : « Il s'agit de sujets que nous traitions depuis quinze ans. Nous avons juste souhaité formaliser notre démarche RSE. »

Trois objectifs et 35 indicateurs

Une évolution que Matthieu Cathelinais a accompagnée, au titre de Daf de l'entreprise. Il a notamment participé à la structuration de la mission, du dispositif et du reporting. Ainsi, pour traduire la mission en feuille de route (appelée « matrice de contribution »), le Comex a défini trois objectifs et cinq engagements, qui sont inscrits dans les statuts de l'entreprise, puis le comité de mission a validé une liste de 35 indicateurs. « Ces 35 indicateurs étaient traités auparavant, mais de manière spontanée. Alors qu'aujourd'hui, ils sont pris en charge de façon structurée et documentée pour les huit sites industriels et les quatre activités du groupe » indique-t-il. Un appel d'offres a permis de choisir l'organisme tiers indépendant (OTI) chargé de réaliser l'audit de l'atteinte des objectifs statutaires.

Vis-à-vis de ce dernier, Matthieu Cathelinais tient à appliquer les mêmes méthodes que pour un audit financier, le même niveau de formalisme. « Comme pour un audit financier, il y a un planning précis avec des dates et horaires, des personnes à rencontrer et les documents à partager... On arrête l'analyse à une date précise et nous tenons les délais » décrit Matthieu Cathelinais. Ainsi, une réunion de lancement est organisée pour présenter les enjeux de l'année, les tops et les flops... Ce qui permet à l'OTI de savoir dans quel cadre il intervient. Et une réunion de synthèse permet de revenir sur l'intervention, les constats et les conclusions.

Une entreprise plus résiliente

Ce travail de définition d'une feuille de route et d'indicateurs, l'audit du rapport extra-financier par un OTI, mais aussi le comité de mission qui challenge l'entreprise et demande des informations précises oblige CETIH à traiter de manière plus structurée et plus régulière la RSE. Par conséquent, elle est mieux prise en compte par chacun des garants de la mission. Matthieu Cathelinais donne l'exemple de l'élaboration des budgets : « Auparavant, nous parlions finance : besoins en Opex et Capex. Désormais, nous allouons des ressources à des objectifs RSE, nous déterminons des budgets extra-financiers et plus uniquement financiers. Les managers doivent donc se projeter dans le financier et ­l'extra-financier en même temps » raconte-t-il.

Pour le Daf en tant que tel, c'est un pilotage de la performance plus complet, incluant le financier et l'extra-financier : « L'analyse extra-financière répond au même but que l'analyse financière : c'est-à-dire la gestion de la performance » avance Matthieu Cathelinais. Il pense en effet que la mission permet à l'entreprise d'être plus performante, ou en tout cas plus résiliente. Par exemple, face à la problématique énergétique, CETIH a été capable d'accélérer sur le sujet face à la crise énergétique et au potentiel manque de disponibilité, car tout le processus était déjà en place. « Nous n'avons pas eu besoin de nous demander par où attaquer le sujet, puisque nous connaissions déjà notre consommation et que des plans d'action étaient déjà en place dans le cadre de notre trajectoire. Nous avons juste eu besoin d'accélérer » témoigne le Daf.

Matthieu Cathelinais constate par ailleurs que la mission aide à répondre aux questions des parties prenantes, de plus en plus gourmandes en informations extra-financières. « La mission est aussi une bonne façon de préparer l'entre­prise aux attentes réglementaires, comme la taxonomie ou la CSRD » estime le Daf. Et quand on sait à quel point les entreprises, notamment les PME, ne savent pas par quel bout prendre ces obligations, devenir une entreprise à ­mission apporte un réel plus.

Poste à temps plein

Il n'y aurait donc que des avantages à passer entreprise à mission ? Matthieu Cathelinais ne cache pas que cela donne du travail en plus. Pour les managers, notamment, qui doivent désormais élaborer un budget financier et un budget extra-financier. Malgré cela, le passage à une entreprise à mission a été bien accueilli par l'ensemble des collaborateurs de la société. « 80 % de nos salariés disent que la RSE est positive pour l'entreprise comme pour eux, qu'elle contribue à leur bien être » rapporte Matthieu Cathelinais.

Du côté de la direction financière, au-delà du travail autour des indicateurs et vis-à-vis de l'OTI, il s'agit de s'assu­rer que les processus permettent de traiter les enjeux RSE. « Nous nous assurons que dans tous les macroprocessus, les indicateurs rendent compte des objectifs de la mission » précise Matthieu Cathelinais. Heureusement, pour l'accompagner dans ces nombreuses tâches, le Daf est épaulé par une personne engagée dans la RSE qui a intégré la direction financière dès le passage à entreprise à mission. « C'est cette personne qui élabore le reporting et les processus. Un poste à temps plein a été créé uniquement pour suivre ce sujet » explique Matthieu Cathelinais.

Pour le Daf, si la première année du passage à entreprise à mission a consisté à mettre en place le dispositif, à choisir les indicateurs et à alimenter le reporting extra-financier, la deuxième année est celle de la digitalisation. Fini Excel, un outil spécifique a été implémenté. « Cet outil permet par ailleurs de décentraliser le suivi de la performance extra-financière, ce qui permet à chaque manager de s'approprier sa performance extra-financière et d'en devenir acteur » décrit-il. L'entreprise à mission ne peut en effet réaliser ses missions que si l'ensemble de l'entreprise est engagé.

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