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Eric Lombard : « Nous n'augmenterons pas les impôts des entreprises »

Publié par Christina DIEGO le | Mis à jour le

Le cabinet ARC organisait ce jeudi 15 mai à Paris, une conférence de présentation de leur dernier baromètre sur la situation économique des entreprises (tensions de trésorerie, risques relation-client, retards de paiement, etc.) en présence d'un parterre de dirigeants et du ministre de l'Economie et des Finances, Eric Lombard. Détails.

À l'occasion du dévoilement du baromètre du cabinet ARC sur la situation économique des entreprises (trésorerie, délais de paiement, tensions géopolitiques, dégradation de la situation économique nationale, etc.), le ministre Eric Lombard s'est montré tout d'abord plutôt optimiste malgré une situation mondiale complexe. « Je tiens à souligner que notre économie fait preuve d'une remarquable capacité de résistance. Une croissance de 0,1 % au premier trimestre peut paraître modeste, mais il faut rappeler que nombre de grandes économies sont en stagnation ou en contraction depuis deux ans », a-t-il rappelé en préambule.

En évoquant le contexte économique national, Eric Lombard a voulu rassurer les dirigeants présents. « Il est aujourd'hui impératif de réaffirmer une ligne claire : nous ne pouvons pas augmenter les impôts. Cette position relève d'un impératif stratégique, en particulier pour ce qui concerne les entreprises. Toute hausse de la pression fiscale constituerait un handicap supplémentaire pour notre tissu productif », a-t-il souligné. La priorité doit être, selon lui, « l'exécution du déploiement économique », c'est-à-dire la mise en oeuvre concrète des stratégies industrielles, numériques et énergétiques déjà décidées. Le ministre a plaidé pour « une stabilisation économique » afin de créer « les conditions d'un véritable développement ». Pour le ministre, cela permettra « aux investisseurs, entreprises et partenaires sociaux de pouvoir anticiper, dans la durée, une trajectoire fiscale et budgétaire lisible ». Il est revenu sur une des questions récurrentes « pouvons-nous alléger la pression pesant sur les revenus du travail, et identifier des ressources alternatives pour financer notre solidarité ? » C'est précisément au coeur des travaux menés actuellement par le gouvernement, à l'aube des discussions sur le prochain budget 2026. « Dans cette perspective, une limite claire s'impose : nous devons agir sans créer de nouveaux impôts, et sans augmenter davantage les allégements de charges, déjà très élevés. Il s'agit donc de stabiliser ces dispositifs, tout en engageant un travail budgétaire complexe ».

Les entreprises : entre stabilité et inquiétude structurelle

Le baromètre du Cabinet ARC a, quant à lui, mis l'accent sur des résultats en demi-teinte. Près de 74 % des entreprises prévoient une stabilité de leur activité dans les six prochains mois. Mais cette amélioration de la perception immédiate ne doit pas masquer une inquiétude structurelle : seulement 12 % des entreprises anticipent une croissance, un niveau historiquement bas, inférieur même à celui observé pendant la crise sanitaire de 2020 (13 %). En effet, 88 % des répondants se déclarent convaincus que la situation économique va se détériorer dans les mois à venir.

Une peur croissante du risque client

L'un des principaux enseignements de l'étude concerne l'état de la relation client-fournisseur, dominée par un pessimisme profond. 98 % des entreprises s'attendent à une hausse des défaillances de leurs clients dans les mois à venir, dont 41 % redoutent une explosion « importante voire extrêmement importante » du nombre de dépôts de bilan.

Des facteurs aggravants de cette situations ont été identifiés : 71 % dénoncent le désengagement des banques envers les TPE/PME n'ayant pas encore remboursé leur PGE ; 49 % constatent un retrait progressif des assureurs-crédit vis-à-vis de ces mêmes entreprises ; 53 % estiment que les dirigeants de petites structures ne sont pas suffisamment accompagnés juridiquement pour anticiper ou gérer les procédures collectives. À cela s'ajoute une méconnaissance persistante des dispositifs d'aide : 45 % des sondés ignorent encore le rôle du médiateur du crédit.

Trésorerie sous tension : des leviers de plus en plus précaires

Face à une conjoncture serrée, les entreprises mobilisent en priorité des leviers internes pour maintenir leur trésorerie comme les 79 % qui rallongent les délais de paiement fournisseurs, 53 % qui recourent au découvert bancaire. Seules 34 % des entreprises en difficulté utiliseraient l'affacturage, en forte baisse (-14 points) par rapport à mai 2024, jugé trop onéreux et peu rentable par 89 % des répondants.

Plus largement, 82 % considèrent les délais de paiement comme un véritable outil d'ajustement financier. Mais cette tactique a des limites : 94 % estiment que les délais de paiement de leurs clients ne se sont pas améliorés ; 16 % constatent même leur aggravation. Le retard moyen de règlement atteint 17,3 jours.

Des attentes fortes en matière de régulation

La question des délais de paiement devient centrale. Pour la majorité des entreprises interrogées, l'heure est venue d'adopter des mesures plus fermes et dissuasives. 79 % de dirigeants sont favorables à la création d'une notation publique « délais de paiement », à l'image des notations extra-financières.

Autre idée, 85 % souhaitent que les amendes infligées par la DGCCRF soient proportionnelles aux résultats des sociétés sanctionnées, afin de renforcer leur effet dissuasif. Autre signal fort : 55 % des PME déclarent refuser de répondre à des appels d'offres publics, de peur de ne pas être payées à temps. Ce chiffre interroge directement la capacité du secteur public à jouer un rôle moteur dans la relance économique.

Malgré le pessimisme ambiant, les dirigeants restent divisés sur le rythme de la reprise financière. Plus de la moitié des entreprises estiment qu'il faudra entre trois et cinq ans, voire plus, pour effacer les conséquences économiques des dernières crises. Cependant, 48 % des chefs d'entreprise anticipent un retour à la normale dans un délai d'un à deux ans, en nette hausse de 13 points par rapport au dernier trimestre 2024. Ce regain d'espoir montre que si la situation reste tendue, les marges de rebond ne sont pas totalement fermées.

Une vigilance accrue pour les DAF

Pour les Daf, ces résultats appellent à redoubler de vigilance. La trésorerie reste le nerf de la guerre, et les risques liés aux défaillances clients, au fait que les TPE/PME et à l'allongement des délais de paiement deviennent des préoccupations centrales.

Dans un contexte marqué par la fragilité des financements externes, l'optimisation du besoin en fonds de roulement, la sécurisation des flux clients et la mise en place de dispositifs préventifs (médiation, procédures amiables) doivent plus que jamais faire partie de l'agenda des directions financières. L'enjeu : garantir la résilience à court terme sans compromettre les capacités de rebond à moyen terme. Denis Le Bossé, président du Cabinet ARC, analyse : « Malgré un contexte économique morose, les entreprises affichent un regain d'optimisme quant à la stabilité de leur activité à court terme. [...] Cependant, cette lueur d'espoir est tempérée par une inquiétude marquée sous l'impact des mesures protectionnistes annoncées par Donald Trump. Les difficultés de trésorerie restent un défi majeur, en particulier pour les TPE et PME, qui souffrent d'un manque structurel de fonds propres et subissent le désengagement des banques - pour celles n'ayant pas encore remboursé leur PGE - ainsi que celui des assureurs-crédit. »

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