Loi de Finances pour 2025 : quelles décisions à prendre pour les DAF ?
Publié par Alfred LORTAT-JACOB associé cabinet Cornet Vincent Ségurel le - mis à jour à
Dans cette tribune exclusive, Alfred LORTAT-JACOB avocat du cabinet Cornet Vincent Ségurel reviennent sur l'adoption tardive du projet de loi de finances 2025, avec trois mois de retrad, une première sous la 5e république.
Pour la première fois au cours de la Vème République, la loi de finances a été votée après le 31 décembre. Sur le plan pratique, cela rend nécessaire la prise de décisions, sans avoir pu les anticiper pleinement, en particulier au sein des directions financières, car certaines nouvelles recettes ou aménagements peuvent avoir une incidence sur le résultat des entreprises et sur les mesures administratives et comptables à adopter. Ainsi, à la suite d'un accord trouvé par les députés et sénateurs sur le projet de loi de finances pour 2025 à la fin du mois de janvier, et après examen et approbation par le Conseil Constitutionnel, la loi de finances a été promulguée le 14 février 2025. Elle prévoit un déficit budgétaire de l'État de 139 milliards d'euros, soit une amélioration de 7,9 milliards d'euros par rapport à la loi de finances 2024. Le déficit public serait ainsi ramené à 5,4 % du PIB.
Amorçant un effort de redressement des finances publiques pour les années à venir, la loi de finances introduit des évolutions et ajustements fiscaux qui toucheront directement les entreprises du secteur privé. Les directions administratives et financières (DAF) devront ainsi intégrer ces nouvelles charges potentielles dans leur stratégie de gestion de trésorerie. D'autres mesures vont créer des opportunités pour les groupes.
La loi de finances s'articule, en matière de fiscalité des entreprises, autour de trois axes principaux.
1/ La contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises. Comme le prévoyait le projet initial, une contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés dû par les grandes entreprises est instituée pour un an. Elle s'applique aux entreprises qui réalisent en France un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros. Cette surtaxe est assise sur la moyenne de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel la contribution est due et au titre de l'exercice précédent, calculé sur l'ensemble des résultats imposables (aux taux normal et réduits). A cet égard, l'assiette est le montant brut de l'impôt, soit avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales. Le taux de la contribution est de 20,6 % pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires de moins de trois milliards d'euros et 41,2% pour celles réalisant un chiffre d'affaires de plus de trois milliards d'euros. La contribution devra être acquittée spontanément au plus tard lors du dépôt du relevé du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés (soit, le 15 mai pour les entreprises qui clôturent leur exercice au 31 décembre). Par conséquent, les DAF des entreprises concernées par une telle contribution devront ajuster leurs prévisions fiscales afin de s'assurer que des provisions nécessaires ont été constituées.
2/ L'aménagement des régimes de soutien à la recherche et à l'innovation. La loi de finances opère une révision à la baisse des régimes de soutien à la recherche et à l'innovation. Concernant le crédit d'impôt recherche, certaines dépenses ne sont plus éligibles. En particulier, les frais liés aux brevets (prise, maintenance, défense et amortissements) ainsi que les dépenses de veille technologique sont exclus de l'assiette du crédit d'impôt. En outre, la part des dépenses de personnel prises en compte pour la détermination forfaitaire des dépenses de fonctionnement est abaissée de 43 % à 40 %. Enfin, le taux majoré (doublement de l'assiette) pour les jeunes docteurs est supprimé. Pour le crédit d'impôt innovation, si la bonne nouvelle est sa prolongation de trois ans, offrant un soutien continu aux PME pour leurs dépenses d'innovation, le taux de prise en compte de ces dépenses est réduit de 30 % à 20 %. Ainsi, il faudra tenir compte de la mise à jour des taux de crédits d'impôt dont l'entreprise peut bénéficier. Les entreprises devront aussi avoir une attention particulière à l'éligibilité des dépenses engagées pour éviter tout risque de redressement fiscal.
3/ La réforme du régime fiscal des opérations de fusions et assimilées
Bien que la loi de finances impose une contribution accrue des grandes entreprises, elle apporte cependant de la souplesse sur d'autres aspects, notamment en matière de restructuration de groupes. Les adaptations et ajustements suivants ont été rendus nécessaires par l'ordonnance du 24 mai 2023, issue de la transposition d'une directive européenne de 2019. Tout d'abord, un nouveau cas de fusion (ou de scission) simplifiée, sans échange de titres, est introduit par l'ordonnance. Cette opération concerne la fusion entre sociétés soeurs détenues dans les mêmes proportions par plusieurs associés. Elle s'applique néanmoins à la condition que ces proportions soient maintenues au sein de la société absorbante à l'issue de l'opération. En outre, le mécanisme de scission partielle a intégré les dispositions du Code de commerce depuis l'ordonnance de 2023. Elle peut être envisagée comme une modalité particulière de mise en oeuvre de l'apport partiel d'actifs, consistant à attribuer directement aux associés de la société apporteuse les titres représentant l'apport, sans transiter par la société apporteuse (apport-attribution).
La loi de finances met à jour le droit fiscal pour suivre l'évolution du droit des sociétés, élargissant ainsi les opérations éligibles au régime de faveur afin d'inclure ces nouveaux mécanismes. Ces nouvelles possibilités et cette flexibilité offrent aux entreprises de nouvelles perspectives pour optimiser au mieux d'éventuelles restructurations, tant sur le plan national qu'international.
Dispositions diverses
La suppression de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises) initialement prévue pour 2027, est reportée à 2030. La loi de finances pour 2025 repousse ainsi la réduction progressive du taux de la CVAE à 2028 et 2029.
Il faut noter que pour 2025, si la réduction de taux initialement prévue est maintenue, une contribution supplémentaire équivalente à 47,4 % de la CVAE est due afin de maintenir le rendement. La loi de finances a aussi introduit une nouvelle taxe sur les opérations de réductions de capital liées au rachat de leurs titres par les grandes entreprises. Une première taxe temporaire, applicable aux opérations réalisées entre le 1er mars 2024 et le 28 février 2025, a été instaurée, pour laisser ensuite place à une taxe permanente, qui s'appliquera aux opérations réalisées à compter du 1er mars 2025.
Ces taxes s'adressent aux grandes entreprises françaises, dont le chiffre d'affaires hors taxe est de plus de 1 milliard d'euros. Pour les sociétés comprises dans un périmètre de consolidation, il convient de retenir le chiffre d'affaires mentionné dans les états financiers consolidés. Ces nouvelles taxes s'appliquent aux opérations de réduction de capital par rachat de leurs propres titres. Cependant, elles ne sont pas applicables aux réductions de capital accomplies en vue de compenser une augmentation de capital réalisée en application des dispositifs en faveur de l'actionnariat salarié ni aux réductions de capital effectuées aux fins de faciliter une opération de fusion ou de scission par rachat ou annulation d'actions représentant au plus 0,25% du montant du capital social. L'assiette des taxes est constituée du montant de la réduction de capital ainsi qu'à une fraction des primes liées au capital. Leur taux s'élève à 8 %. Pour les entreprises concernées, de telles opérations peuvent engendrer des charges fiscales supplémentaires, nécessitant une réévaluation des stratégies de gestion de trésorerie et la constitution de provisions. Ainsi, si de telles opérations sont envisagées à court terme ou ont déjà été réalisées depuis le 1er mars 2024, les directeurs financiers devront anticiper rapidement, car la taxe temporaire devra être déclarée dès le mois d'avril 2025.