Pour gérer vos consentements :

Jean-Brieuc Le Tinier (Daf Fnac-Darty) : «L'équilibre entre dette et capitaux propres garantit la solidité financière du groupe»

Publié par Christina DIEGO le - mis à jour à

Stratégie BtoB, croissance externe, leviers financiers, expansion en Europe... Rencontre avec Jean-Brieuc Le Tinier Directeur Financier de Fnac Darty qui décrypte le nouveau plan stratégique « Beyond Everyday », piloté par la finance, et annoncé lors du dernier salon Vivatech. Entretien.

Le plan prévoit un cash-flow cumulé de 1,2 milliard d'euros sur 2025-2030. Quels vont être les principaux leviers financiers que vous comptez activer pour atteindre cet objectif ?

Jean-Brieuc Le Tinier : La stratégie de développement annoncée s'articule autour d'un plan ambitieux visant à générer un montant cumulé de 1,2 milliard d'euros sur une période de six ans, soit une moyenne annuelle de 200 millions d'euros.

Le principal moteur de cette croissance réside dans l'amélioration continue de notre marge opérationnelle. L'indicateur clé suivi avec attention est la marge sur les ventes. Nous avons annoncé une progression significative de cette marge, passant de 2 % actuellement à un objectif de 3 %. Cette amélioration marginale, appliquée à notre chiffre d'affaires actuel de 10,5 milliards d'euros, représente une croissance absolue particulièrement significative en termes financiers.

Comment avez-vous prévu d'atteindre les 200 millions d'investissement à horizon 2030 ?

JB.L.T. : Historiquement, nos investissements annuels s'élevaient à environ 160 millions d'euros. Nous prévoyons désormais de les porter à 200 millions d'euros, ce qui représente une augmentation moyenne de 40 millions d'euros par an.

Cette enveloppe budgétaire supplémentaire sera principalement affectée d'une part au développement et la modernisation de notre réseau de points de vente, avec une allocation de 30 millions d'euros dédiée à la rénovation des magasins existants et à l'ouverture de nouvelles enseignes. Nous prévoyons l'ouverture de 150 nouveaux magasins en format intégré, bien que ces ouvertures ne concernent pas exclusivement que des enseignes Fnac, mais s'étendent à d'autres formats de notre portefeuille. D'autre part, nous avons prévu la modernisation de nos systèmes informatiques, avec une allocation de 10 millions d'euros supplémentaires dédiés à l'accélération de notre transformation digitale et à l'amélioration de nos infrastructures technologiques.

Comment cette expansion se traduit-elle dans les différents pays ?

JB.L.T. : En France, notre approche se concentre sur le développement de formats de proximité et de concepts innovants tels que les magasins « Darty Cuisine ». Cette stratégie vise à compléter notre offre existante plutôt qu'à déployer un plan massif d'ouverture de nouveaux points de vente.

Le marché italien présente des perspectives de développement ambitieuses. Avec un réseau déjà constitué de 500 magasins Uni Euro (Darty), nous disposons encore d'une marge de progression significative. Notre stratégie pour ce marché inclut à la fois des opérations de croissance externe par acquisition et l'ouverture de nouvelles enseignes.

Le Portugal représente également un marché prioritaire pour notre développement. Notre position y est déjà particulièrement forte, avec 35 magasins Fnac pour 11 millions d'habitants, à comparer avec les 90 enseignes en France. Cette présence significative s'est encore renforcée avec l'acquisition, il y a deux ans, d'une activité similaire à Darty auprès de notre actionnaire, sous l'enseigne MediaMarkt. Avec seulement 10 points de vente actuellement, le potentiel de développement reste considérable.

Les services BtoB deviennent un pilier stratégique. Comment allez-vous suivre ces nouveaux leviers de croissance ?

JB.L.T. : Notre stratégie s'articule principalement autour du renforcement et de l'expansion de nos services, avec un objectif ambitieux, atteindre quatre millions d'abonnés à l'horizon 2030. Cette croissance sera soutenue par le déploiement de nos offres dans de nouveaux marchés géographiques au Portugal, à l'Espagne et à l'Italie.

Cette expansion devrait permettre aux services de représenter 30 % de la marge brute totale du groupe, contre 25 % actuellement. Plus significativement, nous anticipons que 80 % de cette marge proviendra spécifiquement des services par abonnement, qui présentent plusieurs avantages stratégiques majeurs.

Quels en sont les enjeux ?

JB.L.T. : Premièrement, ces services constituent une diversification essentielle par rapport à notre activité traditionnelle de vente de produits. Deuxièmement, ils s'avèrent particulièrement rentables, capitalisant sur des actifs existants principalement dédiés à la réparation. Troisièmement, ils favorisent une fidélisation accrue de notre clientèle, les abonnés à DartyMax, par exemple, qui bénéficient d'une couverture complète pour leur domicile, incluant des extensions de garantie gratuites sur les produits additionnels.

D'un point de vue financier, ces abonnements génèrent des revenus particulièrement récurrents et prévisibles, un atout précieux dans le secteur volatile de la distribution où, rappelons-le, chaque journée commence avec une caisse vide. Cette stabilité financière constitue un avantage stratégique majeur dans notre environnement commercial.

Le plan stratégique prévoit un taux de distribution supérieur à 40 % et un dividende plancher. Comment comptez-vous équilibrer cette politique de rémunération des actionnaires avec les besoins de financement de votre transformation ?

JB.L.T. : Nous anticipons la génération annuelle moyenne de 200 millions d'euros de cash-flow, défini comme le flux de trésorerie avant toute rémunération des capitaux employés.

Ces ressources financières sont destinées à rémunérer l'ensemble de nos parties prenantes. Concernant nos actionnaires, nous avons établi un plancher de distribution de dividendes fixé à 30 millions d'euros, soit un euro par action. Ce montant, qui représente environ 15 % de notre cash-flow annuel moyen, s'inscrit dans la continuité de notre politique de distribution des quatre dernières années.

Nos porteurs obligataires, quant à eux, perçoivent une rémunération sous forme d'intérêts, représentant environ 50 millions d'euros annuels. Parallèlement, nous nous sommes engagés dans une démarche active de désendettement, visant à réduire notre ratio d'endettement de 1,9 fois actuellement à 1,5 fois d'ici la fin de la période couverte par notre plan stratégique.

Même après avoir honoré ces engagements, notre structure financière dégagera des excédents de trésorerie. Ces ressources supplémentaires pourront être allouées soit à des opérations de croissance externe (M&A), soit à la distribution de dividendes exceptionnels. Cette approche reflète notre volonté constante de maintenir un équilibre optimal entre la dette et les capitaux propres, garantissant ainsi la pérennité et la solidité financière de notre groupe.