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[Billet] Rachat de Careem par Uber - qui sera lésé?

Publié par Meziane Lasfer, Cass business School le - mis à jour à

Un rachat juste avant une entrée en bourse ? Voilà qui est peu commun comme schéma. C'est pourtant le choix de Uber mais pourquoi ? Décryptage.

Il est assez rare que les sociétés privées se lancent dans un rachat juste avant leur entrée en bourse (prévue vraisemblablement le mois prochain dans le cas d'Uber). En général, les acquisitions de ce type se font après. De nombreuses études montrent que l'objectif en soi d'une introduction en bourse est de créer des liquidités pour financer les futures acquisitions. Par conséquent, on aurait pu s'attendre à ce qu'Uber finalise son entrée en bourse avant d'acquérir Careem, en réglant cette transaction en cash ou en actions. Ces actions auraient été cotées en bourse et le public aurait exactement su leur valeur.

Étant donné qu'Uber n'est pas encore entré en bourse, nous ne savons pas avec certitude combien il en coûterait pour acquérir Careem. Le géant de San-Francisco annonce avoir offert 1,4 milliard de dollars en liquide et 1,7 milliard de dollars en billets convertibles, qui seront convertis si le prix est supérieur à 55 $ par action. Pour simplifier, la valeur qu'Uber accorde à Careem est très incertaine. La somme minimum garantie est donc de 3,1 milliards, mais en réalité cette évaluation dépend essentiellement du cours des actions d'Uber après son introduction en bourse. A titre d'exemple, si le prix d'Uber monte à 110 $ l'action, cela signifie que la valeur réelle de Careem est de 4,8 milliards de dollars.

Qu'est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?

Pour les investisseurs de Careem, cette acquisition est une bonne affaire car ils obtiennent le prix minimum garanti de 3,1 milliards de dollars, si le cours de l'action Uber est de 55 $ ou moins - mais ils peuvent obtenir une valeur nettement supérieure si le cours de l'action monte à plus de 55 $.

Cependant, les actionnaires d'Uber se trouvent dans une situation inverse. Pour résumer, si le cours de la société se négocie à plus de 55 $ l'action, les actionnaires d'Uber seront perdants et ceux de Careem seront gagnants.

La question qu'il faut se poser est la suivante : pourquoi Uber n'attend-il pas jusqu'à son IPO ? Il se peut qu'Uber veuille montrer au marché qu'il s'agit d'une entreprise forte et qui se développe à l'échelle internationale. Uber pourrait aussi le faire pour détourner l'attention du public de son rival américain Lyft, une société qui sera bientôt introduite sur le Nasdaq.

Qu'est-ce que cela signifie pour les clients ?

Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les consommateurs. En acquérant Careem, Uber aura un monopole dans la région MENA (Middle East North Africa), ce qui signifie que les clients n'auront plus le choix de l'application de covoiturage. Lorsqu'il existe un monopole, il est très probable que les prix augment.

Meziane Lasfer est professeur en finance à la Cass Business School (City University of London). Expert en finance d'entreprise et marchés boursiers, il est spécialisé dans les problématiques de structuration du capital, d'entrée en bourse, de M&A et d'évaluation du prix des actions.

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