Le DAF à l'ère de l'IA : stratège, communicant et chef d'orchestre
Publié par Eloise Cohen le - mis à jour à
Fini le temps où le DAF se limitait aux chiffres et aux clôtures mensuelles. À l'ère de l'IA, de la data et de la durabilité, la fonction financière se réinvente en profondeur. C'est ce qu'ont démontré Marie-Hélène Pebayle (DFCG), Laurent Duquesne (Afflelou) et Mathieu Lagesse (Renault Trucks), réunis, le 27 juin, à la Journée DAF au Cercle national des Armées.
« Le DAF est aujourd'hui un copilote du quotidien, un expert stratégique en temps réel. » Pour Laurent Duquesne, directeur général finance et back-office du groupe Alain Afflelou, la fonction financière a définitivement quitté l'arrière-plan. Elle éclaire désormais les décisions clés, pilote la performance et participe activement à la transformation de l'entreprise.
Une vision largement partagée lors de la Journée DAF, organisée au Cercle national des Armées, où Marie-Hélène Pebayle, présidente de la DFCG, et Matthieu Lagesse, CFO de Renault Trucks France ont livré, aux côtés de Laurent Duquesne, leur retour d'expérience sur l'évolution du rôle de DAF à l'ère de l'IA et des nouveaux impératifs ESG.
Intelligence des données
Chez Alain Afflelou, la transformation de la fonction finance s'est d'abord traduite par un ancrage renforcé dans l'opérationnel. Grâce à la data, la direction financière contribue à l'optimisation du réseau de plus de 1 400 magasins dans 20 pays. « Nous croisons données géostratégiques et retours d'expérience internes pour évaluer les emplacements, analyser les performances et identifier les meilleures pratiques à diffuser au sein du réseau, franchisés compris. »
Une approche que partage Matthieu Lagesse dans un tout autre contexte. Chez Renault Trucks, la modélisation de la valeur de rachat des véhicules sous contrat buy-back est devenue un enjeu stratégique. « Nous avons travaillé avec des data scientists pour prédire les prix de revente dans 12 à 24 mois. Sur un portefeuille de 500 millions d'euros, une variation de 10 % a un impact direct. L'IA est ici un levier puissant pour sécuriser nos décisions. »
Outils et méthode
Si les cas d'usage se multiplient, tous insistent sur la nécessité d'avancer avec méthode. « Prioriser les besoins, impliquer les équipes, fiabiliser les données en amont », énumère Matthieu Lagesse. Le DAF doit aujourd'hui arbitrer les projets technologiques selon leur valeur ajoutée réelle, et éviter l'effet catalogue. Chez Alain Afflelou, un comité IA interservices permet de centraliser les initiatives et de concentrer les efforts sur les sujets les plus structurants.
Au quotidien, les résultats sont tangibles. Outils de visualisation, analyse des avis clients, automatisation du reporting : autant de moyens d'améliorer la réactivité, de mieux comprendre les attentes des clients et d'accompagner les opérationnels avec des indicateurs clairs. « L'IA ne remplace pas, elle outille, elle suggère. Et c'est toujours l'humain qui garde la main », rappelle Laurent Duquesne.
Ce basculement vers une fonction plus agile, plus connectée aux métiers, plus tournée vers l'analyse prédictive, modifie aussi les compétences attendues. « Le DAF d'aujourd'hui est un chef d'orchestre , souligne Marie-Hélène Pebayle. Il doit comprendre le business model, s'approprier les enjeux ESG, parler aux autres directions, vulgariser les données financières et entraîner l'entreprise dans une dynamique d'amélioration continue. »
Vers un pilotage élargi, intégré, durable
La montée en puissance des enjeux ESG pousse un cran plus loin cette mutation. Finie la séparation entre reporting financier et reporting RSE. Les indicateurs doivent désormais dialoguer, converger, s'aligner avec la stratégie de l'entreprise. « Nous intégrons les KPI RSE dans nos budgets, au même titre que les objectifs financiers, explique Matthieu Lagesse. Il ne s'agit pas de cocher des cases, mais de structurer des plans d'action cohérents. »
Même engagement chez Alain Afflelou, où les équipes financières travaillent à faire parler ensemble les données extra-financières et économiques, en vue de produire un reporting unifié. « Le DAF a un rôle clé pour qualifier la donnée, s'assurer de sa fiabilité, et veiller à l'alignement avec les engagements de l'entreprise », résume Laurent Duquesne.
Dans un monde incertain, en tension permanente entre urgence réglementaire et transformation structurelle, les directions financières sont plus que jamais attendues au tournant. Il ne s'agit plus seulement de suivre, mais d'orienter. Non plus de constater, mais d'anticiper.
Et demain ? L'IA générative, les outils de modélisation en langage naturel, ou encore l'automatisation des analyses ESG promettent de repousser encore les frontières du métier. Une chose est sûre : le DAF de demain ne ressemblera pas à celui d'hier - et c'est tant mieux.