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Interview - « Ce PGE vise à préserver notre agilité sur un marché très dynamique », Sébastien Martineau, CFO du groupe Haulotte

Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le

Sébastien Martineau est CFO du groupe Haulotte, un des leaders mondiaux de la nacelle élévatrice, depuis presque dix ans*. Aux côtés du dirigeant, Alexandre Saubot (par ailleurs président de France Industrie), il a piloté ces derniers mois le dossier d'obtention d'un PGE. Un prêt garanti par l'Etat de 96 millions d'euros contracté pour préserver l'agilité de l'entreprise dans un contexte opérationnel complexe.

> Pourquoi contracter un PGE ? L'entreprise est-elle fragilisée ?

L'entreprise connait une croissance importante, avec un niveau de commandes historique et une visibilité à laquelle nous n'étions pas habitués. Nos clients, loueurs notamment, investissent massivement. En particulier, dans nos nouvelles gammes électrifiées et digitalisées. Le marché de la nacelle, partout dans le monde, est actuellement très dynamique. Lors de la publication de nos résultats du premier trimestre, nous avons ainsi annoncé un chiffre d'affaires de 135,8 millions d'euros, soit une croissance de +25% par rapport à la même période l'an dernier. Nous maintenons d'ailleurs pour 2022 nos prévisions de croissance supérieures à +20%. En 2021, nous avions déjà réalisé un chiffre de 495,8 millions d'euros, en hausse de 13% par rapport à 2020. Actuellement, nous ne percevons aucun signe de ralentissement de marché. Sur l'aspect business et ventes, l'entreprise n'est donc absolument pas fragilisée.

En revanche, nous ne sommes pas en mesure de confirmer, à ce stade, nos objectifs de marge opérationnelle courante pour 2022. Les difficultés opérationnelles actuelles et les fortes incertitudes qui persistent nous ont amené à faire le choix d'un PGE.

> Quelles sont ces difficultés exactement ?

Plusieurs éléments se combinent et s'aggravent depuis le début de la crise en Ukraine : la pénurie des composants, leur coût, celui des matériaux, de l'énergie ou encore des transports...

Avec nos cinq usines (deux en France, une aux Etats-Unis, une en Roumanie, une en Chine), nous travaillons avec 700 fournisseurs environ, pour un total de 10.000 références de pièces. En 2021, nous avions une cinquantaine de pièces qui souffraient de pénuries sur le marché mondial. Cette problématique touche désormais moins de pièces mais elles sont plus stratégiques. Il s'agit par exemple de batteries, de connecteurs, etc. La qualité des pièces reçues, leur quantité n'est jamais assurée avant réception. Tout se négocie au dernier moment, souvent pour des petites quantités.

> Quelles sont les conséquences de ces difficultés d'approvisionnement ?

Contrairement à certains constructeurs automobiles, nous n'avons pas été contraints de stopper des lignes de production. En revanche, nous jonglons en permanence avec ces difficultés. Nous devons parfois interrompre à un endroit quelques jours pour basculer sur une autre chaine, puis reprendre. Forcément, ces incertitudes, cette organisation instable ont un coût et se traduisent par une productivité de nos usines qui n'est plus optimale et donc par quelques points sur nos prix de revient. De plus, ces problématiques logistiques ont un impact défavorable sur nos stocks.

> Comment composez-vous avec la hausse des matières premières ?

Nous avions constaté, fin 2021, une inflexion de l'envolée des cours de l'acier notamment que nous subissions depuis plusieurs mois. Mais depuis le début du conflit en Ukraine, les tarifs sont repartis à la hausse. Nous avons répercuté, à plusieurs reprises, des augmentations de tarifs sur nos clients, mais il y a forcément un décalage et nous subissons un effet ciseau.

> C'est donc dans ce contexte que vous avez sollicité un PGE de 96 millions d'euros avec une maturité d'un an et une option d'extension jusqu'à 5 années additionnelles. Vous avez obtenu le maximum auquel vous pouviez prétendre, vos partenaires bancaires vous font donc confiance...

Oui tout à fait. Nous avons sollicité l'ensemble des prêteurs de notre crédit syndiqué ainsi que la BPI. Pour rappel, ce crédit syndiqué de 130 millions d'euros est 100% revolving. Lorsque nous avons besoin de cash, nous tirons sur les lignes et quand nous avons du cash, nous le remboursons. Nous avions déjà obtenu, l'année dernière, la prorogation d'un an du contrat de prêt syndiqué pour une échéance à 2026.

Le volant supplémentaire du PGE va nous permettre de préserver notre agilité. Dans un contexte de croissance et de difficultés opérationnelles, nous augmentons notre BFR (qui est déjà élevé en temps normal), nous devons donc protéger notre trésorerie pour ne pas contraindre notre développement.

> Quel est votre rôle et vos missions dans ce dossier PGE ? Est-ce que son montage a nécessité un travail important de votre part ?

Ce PGE a nécessité deux mois de travail intense avec l'ensemble de nos partenaires. Le rôle du directeur financier est d'abord d'expliquer aussi clairement que possible les raisons de cette demande auprès de chacune des banques participantes dans un environnement aussi incertain et d'en modéliser les effets possibles sur les états financiers du groupe. Bien que le PGE soit très encadré, il faut ensuite négocier les conditions du PGE syndiqué (qui fait plus de 100 pages) et s'assurer de son adéquation avec le crédit syndiqué existant.

*Avant d'être CFO, Sébastien Martineau avait auparavant assuré, au sein d'Haulotte, la mission de directeur du contrôle de gestion pendant 5 ans. Poste qu'il avait déjà endossé pendant les neuf années précédentes pour le compte d'Orange.

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