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DossierIntroduction en Bourse versus émission obligataire : quels coûts pour quels bénéfices ?

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2 - Quand faut-il envisager une IPO ou une IBO ?

Financer une opération de croissance externe, conquérir un nouveau marché, améliorer sa crédibilité à l'international... Tout cela peut inciter une entreprise à se lancer dans une introduction en Bourse ou une émission obligataire. Issu de DAF magazine N° 12 - juin?- août 2013

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Depuis le choc sans précédent qu'a représenté la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008, le marché des introductions en Bourse est resté au point mort dans l'Hexagone. Une tendance qui s'explique par une défiance générale face à l'incertitude des marchés actions, mais aussi par l'atonie de l'économie française. Pourtant, face aux difficultés récurrentes que rencontrent les PME pour trouver des financements auprès des banques, des entreprises recommencent à se pencher sur la possibilité d'une introduction en Bourse. " Nous constatons que de plus en plus de sociétés sont intéressées. Elles nous demandent de travailler sur ces sujets, même si elles ne passent pas forcément à l'acte ", confirme Damien Rahier, le dg de la société de Bourse Portzamparc. Par ailleurs, depuis l'introduction par NYSE Euronext d'un mécanisme appelé IBO (pour initial bonds offering), les PME ont désormais accès au marché obligataire, longtemps réservé aux seules grandes entreprises.

L'IPO, pour obtenir des fonds propres et gagner en notoriété

L'appel aux marchés boursiers sert principalement à lever des capitaux propres pour permettre de répondre à des besoins de ressources financières liés aux investissements. Ainsi, l'IPO de la société Maesa, spécialisée dans les produits de beauté, lui a notamment permis de procéder à deux acquisitions importantes aux États-Unis en 2007 et 2009. Et une fois introduite en Bourse, l'entreprise pourra de nouveau solliciter le marché, avec une dilution des droits de vote et du capital détenu par les actionnaires historiques plus ou moins forte en fonction de l'évolution du cours de l'action. Par ailleurs, il lui sera possible de financer une partie de sa croissance externe, le cas échéant, par paiement en titres des actionnaires de l'entreprise cible, sans peser sur la trésorerie de la société. Au-delà de la question du financement, le fait d'être coté en Bourse permet également d'améliorer la notoriété de l'entreprise.

Lorsque Intrasense est entrée en Bourse en février 2012 sur Alternext (la filiale d'Euronext dédiée aux small caps et mid caps), la société voulait profiter d'une ouverture à l'international. " Outre le fait d'accéder à des fonds propres sans créer de la dette, cette opération nous a apporté de la visibilité. Lorsque vous dites que vous êtes coté sur NYSE Euronext, cela parle tout de suite à un interlocuteur américain ", explique Christophe Lamboeuf, le Daf de l'éditeur de logiciels spécialisés dans l'imagerie médicale.

Mais le choix d'entrer en Bourse est à étudier avec précaution. En plus d'un coût élevé pour procéder à l'IPO (initial public offering) et des frais de maintien, l'opération est synonyme d'une dilution du capital. Par ailleurs, un tel choix ne convient pas nécessairement à tous les profils d'entreprises. La réaction des marchés actions diffère en fonction du business model de la société : " La Bourse a plutôt tendance à apprécier les entreprises de croissance, observe Damien Rahier. Et une entreprise qui fonctionne avec un business model récurrent et une rentabilité acceptable mais une faible croissance sera moins bien valorisée. "

L'émission obligataire, un outil à réserver aux ETI ?

Les entreprises qui souhaitent éviter une dilution du capital peuvent opter pour une émission obligataire. L'IBO, mécanisme introduit l'an dernier par NYSE Euronext, permet aux PME et aux ETI de faire appel au marché obligataire, et ainsi de s'endetter à cinq ou dix ans, soit à plus longue échéance que le crédit bancaire. Contrairement à ce dernier, l'IBO est dépourvue de clauses contraignantes ou covenants. Cette opération oblige toutefois les entreprises à passer par une agence de notation pour valider l'opération.

Vidéo : présentation de l'IBO par Eurnoext (en anglais)

L'une des plus grosses opérations en la matière a été réalisée par la société Capelli (cf. DAF magazine n° 11, p. 14), qui a émis 11,7 millions d'euros d'obligations à cinq ans, une durée moyenne pour ce type d'opération, avec un coupon fixé à 7 %. La société de promotion immobilière visait un montant de 15 millions d'euros, mais la demande n'a pas permis d'atteindre cette somme.

David Brault, directeur (Objectif Cash)


Ce marché reste aujourd'hui timide, et certains spécialistes se montrent réservés quant à la pertinence de ce recours pour les petites entreprises. David Brault, directeur de la société de management de transition spécialisée en finance Objectif Cash, estime que ce type d'opération n'est pertinent que pour les entreprises de plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. " En théorie, il est possible de financer 5 millions d'euros par de l'emprunt obligataire mais, en pratique, il s'agit de sommes beaucoup plus importantes, explique-t-il. L'intérêt principal est d'éviter la dilution des actionnaires, mais les contraintes sont très nombreuses. L'obligation de transparence est comparable à celle d'une société cotée. "

La solution, pour les PME, peut consister à se regrouper pour accéder au financement obligataire. Entre septembre et décembre 2012, le fonds obligataire Micado France 2018 a ainsi procédé à 14 émissions obligataires de PME et d'ETI avec une maturité de six ans, pour un montant total d'environ 60 millions d'euros. Ces sociétés (Manitou, Homair Vacances, Orapi, ou encore Solucom) n'étaient pas susceptibles d'émettre individuellement un volume suffisant d'obligations pour monter seules une opération, mais l'émission est devenue possible en se regroupant.

A savoir : Les " med-tech " ont le vent en poupe

Carmat, Stentys, Mauna Kea Technologies, Intrasense, Vexim, Erytech, Theradiag, EOS Imaging, SpineGuard... En France, la majorité des introductions en Bourse réalisées ces derniers mois ont lieu dans la filière biomédicale ou "med-tech". Une tendance qui s'explique par le fait que " les logiciels médicaux ou biomédicaux, la recherche en laboratoire et les "medical devices" constituent un secteur très actif dans l'Hexagone ", remarque Christophe Lamboeuf, Daf d'Intrasense.

Une autre piste, celle des émissions obligataires "jointes", à l'instar de celles coordonnées par Arkeon Finance, qui a accompagné les sociétés Egide et Quantel dans le cadre de deux émissions obligataires d'une durée de trois ans pour des montants respectifs de 5 et 4 millions d'euros, avec un coupon de 4 %. " Le fait de ne pas dépasser le seuil de 5 millions d'euros pour chacune des deux émissions a permis une procédure simplifiée et moins coûteuse, ne nécessitant pas l'établissement d'un prospectus visé par l'AMF ", détaille Samuel Pallotto, avocat associé du cabinet Brunswick qui a conseillé Arkeon Finance dans ce dossier. " D'ordinaire, il est très délicat de réaliser des émissions obligataires pour de tels montants ", précise-t-il.

Antoine Pietri

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