[Trophées 2025] Benjamin Pinaud (Eiffage) : trajectoire d'un financier devenu bâtisseur
Publié par Antoine Fonfreyde le - mis à jour à
Passé par la direction financière et l'audit interne, Benjamin Pinaud orchestre aujourd'hui les relations investisseurs et la transformation immobilière chez Eiffage Immobilier. Un poste de front, au croisement des enjeux techniques, financiers et sociétaux.
À 35 ans, Benjamin Pinaud a déjà accumulé une diversité d'expériences qui façonnent son regard sur la fonction financière. Formé à Dauphine, il entame sa carrière en alternance, puis part en VIE en Guinée équatoriale pour Vinci Construction. « Je faisais du contrôle de gestion sur un centre de coûts majeur, dans le pays le plus contributeur en chiffre d'affaires pour Vinci en Afrique. Une plongée directe dans la réalité terrain, » raconte-t-il.
Il enchaîne ensuite chez General Electric, au moment de la fusion avec Alstom. L'expérience, très encadrée, laisse un goût d'inachevé : « On passait notre temps à produire du reporting. On perdait la vision d'ensemble, le sens des chiffres. » En 2016, il rejoint Eiffage. Il y découvre l'audit interne, enchaîne les missions dans les filiales du groupe, puis rejoint Eiffage Construction où il contribue à la digitalisation des fonctions support de l'immobilier. Il est également responsable des croissances externes pour créer une filière industrielle de la construction . Il grimpe les échelons jusqu'à devenir secrétaire général, en 2022, avec une quarantaine de personnes sous sa responsabilité.
« Je donnais beaucoup d'autonomie, car je savais que je m'appuyais sur des sachants, » précise-t-il en soulignant qu'il n'est pas toujours facile d'adopter une posture de manager devant des personnes de 50 ans lorsqu'on a la trentaine. Il décrit un style de management fondé sur la confiance, la clarté des rôles et l'intelligence collective : « Je me voyais comme un chef de chantier, diffuser de l'information et donner du sens dans les missions que l'on portait mais également de la visibilité à ces fonctions supports auprès de la direction générale. »
En janvier 2025, changement de décor : il devient directeur des relations investisseurs et de la transformation immobilière chez Eiffage Immobilier. « Si on prend la métaphore du football, je suis passé de défenseur à attaquant. C'est un virage complet, mais très stimulant, » affirme-t-il.
Allier créativité, rigueur et compréhension des modèles économiques
Désormais en contact direct avec les clients et les investisseurs, Benjamin Pinaud s'emploie à comprendre leurs contraintes pour mieux structurer l'offre d'Eiffage. « Mon rôle consiste à optimiser les montages en fonction des besoins de nos investisseurs Je parle leur langage, je lis leurs business plans, je pense en TRI, en cash-flow projeté, en rendement » explique-t-il. Qu'il s'agisse de portage, de copromotion ou de partenariats, il intervient comme traducteur entre finance, montage juridique et production immobilière. Son parcours lui donne l'opportunité de sensibiliser les opérationnels à ces enjeux.
Sa connaissance fine des mécanismes financiers permet à Eiffage de mieux négocier la complexité croissante du secteur. « Une des mes difficultés actuelles renvoie à nos délais de production qui sont longs et nos produits très normés. Plus nous livrons vite, plus l'investisseur améliore son TRI. Et plus il est prêt à acheter. » Cette équation, il la résume d'une phrase : « Tout est lié : finance, produit, délai, montage. »
Un secteur en mutation rapide et permanente
Benjamin Pinaud est convaincu que l'immobilier doit évoluer pour rester attractif. « Le foncier se raréfie. On est obligés de travailler sur l'existant, ce qui demande une technicité nouvelle : juridique, financière, opérationnelle. Il faut savoir transformer plutôt que construire. » Il souligne que la rentabilité se construit désormais dans la finesse du montage, et dans la capacité à mixer les usages. « Le neuf n'est plus suffisant. Il faut aller vers l'immobilier serviciel, multifonctionnel. »
Il évoque également la nécessité de repenser la relation au temps : « Notre génération veut tout, tout de suite. Or, acheter un bien neuf, c'est souvent attendre deux ans. Entre-temps, le projet de vie évolue. Il faut donc proposer des solutions plus rapides, plus souples, plus modulables. » Et face à la pression réglementaire croissante, il appelle à davantage de souplesse pour ne pas faire fuir les investisseurs institutionnels.
Des convictions ancrées dans l'impact concret
Très engagé sur les questions d'accès au logement, Benjamin Pinaud a porté au sein d'Eiffage Construction un projet d'intrapreneuriat avec la création de Tecthome, une foncière spécialisée dans les projets d'habitat temporaire démontable. Son premier projet, à Valenton, permet d'héberger 160 sans-abri, principalement des familles monoparentales car les logements permettent de les recevoir et les sortir des hôtels sociaux dans des modulaires aménagés, loués à l'État sur un foncier non utilisé du patrimoine d'Eiffage. « Personne n'y croyait. J'ai porté le montage pendant 3 ans et convaincu ma direction qu'il fallait que nous conservions les murs ce qui n'est pas du tout notre ADN. Aujourd'hui, le projet fonctionne, et la foncière va acquérir plus de 1 000 logements dans les deux ans, » explique-t-il avec fierté.
Ce modèle est désormais répliqué sur le chantier de la centrale nucléaire de Penly, où 4 000 ouvriers devront être logés temporairement. « C'est né d'une intuition de l'utilisation de nos fonciers en attente de mutation ou inutilisés, mais c'est devenu une expertise. On est désormais sollicités pour du logement saisonnier, des projets industriels, des hébergements d'urgence... »
Comment voyez-vous votre métier dans 3 à 5 ans ?
On n'est qu'au début d'une financiarisation encore plus forte de l'immobilier. Demain, un client pourra par exemple payer en crypto-monnaie. La Chronotopie est un enjeu majeur de mixer les usages dans un même immeuble tout au long de la journée pour créer plus de valeur pour nos clients.
Si vous n'aviez pas travaillé dans la finance ou l'immobilier ?
J'aurais aimé être commerçant car j'adore le contact humain et la gestion d'un centre de profit. La découverte grâce au projet de Valenton du secteur social m'a aussi donné envie d'être travailleur social. J'admire leur engagement, leur patience, leur dévouement. Et transmettre me plairait aussi beaucoup. Prof, un jour, peut-être.