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Public to Private (P2P), pourquoi et comment sortir de la Bourse ?

Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le

Les opérations Public to Private (P2P), c'est-à-dire les opérations de sortie de Bourse, se multiplient ces derniers mois, portées notamment par le dynamisme du private equity. Décryptage et conseils d'Henri-Louis Delsol (cabinet Delsol Avocats), avocat spécialisé en fusions/acquisitions et droit des sociétés.

Public to Private, de quoi parle-t-on exactement ?

On désigne par P2P les opérations menant à sortir de la cote une société et à contraindre les actionnaires minoritaires à vendre leurs actions au majoritaire dès lors que ce dernier en détient au moins 90%. Cela se concrétise par un rachat du flottant (c'est-à-dire les petits actionnaires) par l'actionnaire majoritaire. Ces opérations se multiplient ces dernières années. En 2024, 20 sociétés sont sorties des marchés d'Euronext Paris pour seulement quatre IPO (introductions en bourse) ont été relevées. En 2023, il y avait eu 14 retraits et 6 IPO, et en 2022, 21 retraits pour 11 IPO.

Pourquoi ? Qu'est-ce qui explique cette tendance ?

Des évolutions réglementaires significatives ont été actées. La loi PACTE a en 2019 abaissé à 90% (contre 95% auparavant) le seuil permettant à un actionnaire d'exproprier les 10% d'actionnaires restants (selon un prix fixé par un expert indépendant) afin de retirer la société du marché boursier. Cet abaissement du seuil est significatif, il s'aligne d'ailleurs avec ce qui est pratiqué dans la plupart des autres pays européens. À mon sens, cela a permis de fluidifier le marché. Beaucoup d'entreprises hésitaient en effet à se lancer en Bourse car elles craignaient de ne pas réussir à en sortir facilement. En effet, dans les années 2000/2010, de nombreuses sorties de cotes avaient été freinées par des investisseurs qui tiraient parti du seuil de 95 % pour tenter de monnayer leur participation à un prix plus élevé, comme ce fut le cas pour Afflelou et APRR en 2006 ou Cegid en 2016.

Cette augmentation des opérations P2P s'explique aussi par les contraintes administratives et réglementaires de la Bourse, parfois jugées trop lourdes, et par le fait qu'un certain nombre d'entreprises, notamment les PME, s'estiment sous-valorisées par rapport à ce qu'elles pourraient obtenir via du private equity. Or, il se trouve que, justement, le private equity est dynamique actuellement et peut représenter une alternative intéressante.

Quelles sont les clés du succès quand on veut se lancer dans une opération P2P ?

La clé principale consiste à proposer le bon prix aux actionnaires minoritaires. Ni trop, pour ne pas se mettre en difficulté financièrement, ni trop peu, faute de quoi les minoritaires risqueraient de refuser de céder leurs actions et d'empêcher l'atteinte du seuil des 90%. Dans cette étape, il est important pour le dirigeant et son directeur financier de se faire accompagner par des experts afin de proposer une offre la plus calibrée possible. De nombreux paramètres entrent en ligne de compte.

En tout état de cause, l'AMF est de plus en plus exigeante. Dans le cadre de trois offres publiques de retrait initiées par la société Bolloré sur des entités affiliées, l'AMF s'est opposée récemment à la désignation du cabinet initialement choisi comme expert indépendant, en raison de sa proximité supposée avec l'environnement du groupe Bolloré.


L'année dernière, la famille Boiron a tenté de racheter les 25% d'actions qui ne lui appartenaient pas, en vue d'un retrait de la cote. Mais au terme de l'opération, ils ne sont parvenus qu'à 78,9%. L'échec de telles opérations porte atteinte à l'image des entreprises et à la qualité de la relation avec les actionnaires. Sans compter le préjudice financier puisque l'accompagnement par des experts tout au long du processus représente un coût. Mieux vaut donc bien se préparer.