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Innovation : mesurer l'impact pour mieux investir !

Publié par Arnaud Siraudin, associate director chez Arthur D. Little le - mis à jour à

Dans une économie où la capacité d'innovation influe sur la pérennité de l'entreprise, comment concilier investissement, performance et rentabilité ? Réponse dans la tribune exclusive d'Arnaud Siraudin, associate director chez Arthur D. Little.

« Si on veut gagner cette bataille de l'innovation de rupture, on doit aller encore plus vite et plus fort. » Tels sont les propos d'Emmanuel Macron à l'occasion des deux ans du plan d'investissement France 2030 destiné à l'innovation.

Ce désir d'innovation s'accompagne, pour les dirigeants d'entreprise de tous secteurs d'activité de considérations additionnelles : « Comment identifier les projets à fort impact sur ma stratégie ? », « comment équilibrer les investissements dans des technologies émergentes par rapport aux technologies matures ? », « Mon enveloppe pour l'innovation est-elle suffisante pour accroitre ma compétitivité, notamment par rapport à celle de mes concurrents ?», etc. Si le sujet de l'impact des investissements en innovation est devenu un thème récurrent et stratégique (notamment écologique et économique), il reste toutefois complexe à adresser sur le plan financier.

Comment développer la puissance de son innovation ?

Les entreprises doivent avancer. Mais face à un portefeuille de plusieurs centaines de projets, il est souvent très difficile d'arbitrer, et de savoir selon leurs natures ou leurs objectifs, celui qu'il faut mettre en avant. Certaines incertitudes liées au degré de maturité desdits projets, qui contraignent leur priorisation, peuvent faciliter leur sélection. A l'inverse, les projets de recherche et de développement sont parfois très complexes à appréhender pour des non-initiés, ce qui n'aidera pas dans les arbitrages à opérer pour un dirigeant.

L'enjeu, dans un premier temps, consiste à regarder dans le rétroviseur et à évaluer l'impact quantitatif de l'innovation sur les finances de l'entreprise (temps de mise sur le marché, amélioration de la marge, part des revenues d'innovations récentes) et de mettre le tout en rapport avec la maturité des pratiques d'innovation, afin de pouvoir prendre, ensuite, les décisions qui s'imposent. L'enseignement de plus de dix années de benchmark reflète une corrélation significative entre la maturité des pratiques en innovation et leur impact financier.

Dans un deuxième temps, il convient d'estimer l'impact futur de chaque projet mais aussi et surtout du portefeuille global. Choisir d'être impactant sur son marché par l'innovation implique de s'appuyer sur des outils et des méthodes afin d'évaluer plus précisément les investissements nécessaires et les gains espérés. En ce sens, trois axes principaux, tous liés au financement, mais à des niveaux distincts, sont à considérer.

Le budget à consacrer à l'innovation. Pour éviter tout décrochage par rapport à la concurrence, il convient de s'appuyer sur un budget global d'innovation qui soit idéalement proche de celui de concurrents directs. Indépendamment des écarts liés à la gestion de chacun, il faudra toutefois veiller à se situer, au départ, dans des ordres de grandeur similaires à ceux dévoilés au sein de publications et autres rapports annuels d'entreprise. Il devra être mis en regard du coût total de l'innovation, dont le calcul - plus ardu qu'il n'y paraît- est un axe clé pour aider à se lancer et à travailler.

La raison d'être de l'innovation. Concrètement, sur quoi l'entreprise doit-elle particulièrement investir ? Cette réflexion représente un exercice complexe au sein duquel il est impératif de prendre en compte une déclinaison de la stratégie globale, tout en se rattachant à ce que la recherche et l'innovation (R&I) peuvent apporter au travers de questions clés : Comment résumer en une phrase la raison d'être de la R&I ? Sur quels attributs marchés (<5), valorisés par les clients cibles, et sur lesquels la R&I peut contribuer, l'entreprise doit-elle se focaliser ? En lien avec ses attributs, sur quelles briques technologiques l'entreprise doit-elle figurer parmi les leaders ? La réponse à ces questions servira de socle de la communication en interne et en externe, et de grille d'analyse pour évaluer le niveau de contribution de chaque projet à cette stratégie d'innovation et ainsi ajuster l'investissement à y consacrer.

Le profil du portefeuille d'innovation cible. Ce dernier volet s'appuie sur les trois premiers et consiste à définir un portrait type du portefeuille recherché. C'est un exercice multi-dimensionnel et multi-contrainte dont la somme doit entrer dans l'enveloppe budgétaire définie. Si un maximum de projets doit pouvoir contribuer à la stratégie d'innovation globale, le coût de chacun doit être mis en regard de sa maturité, son niveau d'incertitude, son impact potentiel et sa durée. Il est alors possible de reconsidérer le portefeuille d'innovation pour le rendre plus efficace, plus résilient et plus équilibré par rapport à la stratégie de l'entreprise. Cela peut passer par l'accélération et la création, ou à l'inverse le ralentissement voire l'arrêt, de projets. À titre d'illustration, j'ai pu constater que les entreprises les plus innovantes investissaient davantage (9 points de plus) dans l'innovation de rupture que les autres. Voilà donc déjà un levier concret au sein d'un portefeuille cible, qui doit nécessairement comporter des projets de rupture pour potentiellement changer la donne.

Il serait facile de penser que l'innovation est une boite noire ne pouvant être appréhendée que par une poignée d'experts à la tête de projets impossibles à comparer. Toutefois, en s'appuyant sur une approche factuelle et pragmatique, il est possible d'optimiser les ressources (jusqu'à 20 % d'après notre retour d'expérience des projets menés par Arthur D. Little). L'entreprise peut ainsi engager de nouveaux projets alignés avec la stratégie qu'elle a définie et qui vont contribuer à augmenter le retour sur investissement global (+90% de retour sur investissement sur 9 ans, source Serafin Asset management). Pour rester compétitives face aux bouleversements en cours, c'est un enjeu majeur pour de nombreuses sociétés.

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