Et si la facturation électronique devenait le meilleur allié du DAF ?
Publié par Eloise Cohen le - mis à jour à
À l'occasion de la Matinale Facturation électronique, organisée par le média Daf-Mag le 1er juillet, Cécile Huet (Dassault Systèmes) et David Dogimont (Forvis Mazars) ont partagé conseils et retours d'expérience concrets sur la façon d'exploiter la réforme de la facturation électronique pour moderniser la fonction finance et mieux piloter la performance.
Et si la facturation électronique n'était pas qu'une contrainte réglementaire ? Pour Cécile Huet, Corporate Finance Senior Director chez Dassault Systèmes, elle marque surtout un tournant stratégique : « Au départ, on l'a vécu comme un sujet de pure conformité, sans ROI évident. Et puis, on a compris que ce projet s'intégrait dans notre feuille de route innovation. »
Ce basculement dans la perception a été essentiel. « À partir du moment où on a regardé la facturation électronique comme un levier pour construire la fonction finance du futur, tout a changé. On a pu créer un storytelling beaucoup plus valorisant pour nos équipes, en lien avec les grands sujets de transformation, notamment l'automatisation, la qualité de la donnée ou l'IA. »
Ce repositionnement permet aussi à la direction financière de s'affirmer comme pilote du projet, et non simple exécutant. « Ce type de projet, à la croisée des processus, des outils et de la réglementation, est très légitimement porté par la finance, constate Cécile Huet. C'est notre rôle aujourd'hui : être copilote de l'entreprise. » Le directeur financier devient également un prescripteur technologique, capable de dialoguer avec l'IT et de faire des choix structurants.
David Dogimont, associé chez Forvis Mazars et membre du Forum national de la facturation électronique, confirme cette tendance. « Le projet peut démarrer sous un angle fiscal ou technique, mais très vite, on comprend que pour avancer, il faut structurer, arbitrer, et surtout donner du sens. »
La donnée, clé de voûte du pilotage
Ce sens, la donnée permet de l'ancrer concrètement. Et c'est bien là que réside l'un des apports majeurs de la réforme. « Aujourd'hui, l'un des défis dans les entreprises, c'est d'harmoniser la donnée, explique David Dogimont. Demander un même indicateur à deux services différents donne souvent deux réponses. Avec la facturation électronique, on clarifie le flux, on partage une donnée unique, traçable, exploitable. »
Les bénéfices sont immédiats pour le pilotage financier. « Les trésoriers attendent beaucoup de ce projet, ajoute-t-il. Avec une meilleure qualité de la donnée, ils auront une visibilité renforcée sur les prévisions d'encaissement et sur le BFR. »
Cécile Huet abonde : « Nos actionnaires nous demandent de plus en plus de fiabilité sur nos prévisions de trésorerie. Avec la data issue des flux de facturation, on commence à modéliser les profils de payeurs de nos clients, à mieux anticiper les flux sortants, et à construire des modèles plus robustes. »
Vers une comptabilité pro-active et prédictive
Ce changement de paradigme redéfinit aussi les outils et la façon de travailler. Chez Dassault Systèmes, les flux issus des plateformes de dématérialisation partenaires sont directement intégrés dans l'ERP. « Cela nous permet de suivre des indicateurs que nous n'avions pas avant : taux de rejet des factures, délais réels de paiement, anomalies détectées en amont... », énumère Cécile Huet. Ces données nourrissent ensuite des outils BI ou des modèles d'IA qui accélèrent la capacité de réaction et de décision.
« C'est un vrai voyage que l'on fait avec nos équipes comptables, ajoute-t-elle. On passe d'une logique d'explication du passé à une capacité d'anticipation. Si un litige client apparaît, on peut le traiter immédiatement. Si un pic d'activité met en tension un service, on le voit en temps réel. On gagne en agilité. »
Mais cette transition ne repose pas uniquement sur des outils. Elle suppose aussi une évolution des compétences. « Aujourd'hui, on ne peut plus piloter sans ERP, PDP, automatisation, RPA, IA, insiste David Dogimont. Et il faut des profils capables de faire le lien entre ces briques techniques et les enjeux métiers. »
L'automatisation change également la répartition des tâches : « Une grande partie des factures ne nécessiteront plus d'intervention humaine. Cela permet aux équipes de se concentrer sur les cas à forte valeur ajoutée. »
Cette transformation modifie aussi les attentes managériales. « Ce projet casse les silos, affirme Cécile Huet. Il force la comptabilité client, la comptabilité fournisseur, les fiscalistes, les IT et les métiers à travailler ensemble. Et en tant que manager, c'est à moi d'accompagner cette dynamique. »
Alors que les fonctions comptables peinent parfois à attirer, ce type de projet peut aussi devenir un atout RH. « C'est un projet fédérateur, qui redonne du sens à la fonction, observe David Dogimont. Et qui permet d'expliquer notre rôle dans l'entreprise de manière beaucoup plus moderne. »
Cécile Huet confirme : « Aujourd'hui, si on n'offre pas des outils modernes, on ne recrute pas. Et la bonne nouvelle, c'est que les profils comptables sont souvent très curieux d'IA et d'innovation. » Chez Dassault Systèmes, les équipes accueillent désormais des data scientists, qui travaillent main dans la main avec les opérationnels finance. « Ce sont des profils qui viennent du monde de l'ingénierie, mais qui prennent plaisir à collaborer avec la finance. Ça marche très bien. »
Gouvernance, coordination, anticipation
Sur le terrain, certains écueils sont récurrents. « Trop souvent, les entreprises cherchent une PDP avant d'avoir cartographié leurs flux, alerte David Dogimont. Or il faut d'abord bien se connaître, poser la bonne gouvernance, réunir autour de la table les bonnes personnes, et surtout, s'assurer qu'elles peuvent arbitrer. »
Cécile Huet complète : « Ce n'est pas un projet qui s'autogère. Il faut un vrai chef d'orchestre, capable de coordonner les équipes techniques, fiscales, financières et opérationnelles. Et surtout, ne pas attendre. C'est un projet long, exigeant, mais qui porte aussi une formidable opportunité de transformation. »